Page 180 - La Lecture Expressive
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          Lecture       86.  Jeanne  et  Courard  <tinJ


                                    Il

          6 . ...  Jeanne ne bougeait pas.  La chaleur était grande.  fl.e  chien,
        immobile aux pieds de sa maîtresse, et non pas couché, mais. assis,
        les oreilles droites, le nez dans le vent, dans l'attitude enfin d'un bon
        chien de  berger en service de  guet, commençait à  donner des signes
        d'impatience, en observant que Rougeaud allait commettre un délit  1
        de  vagabondage.  Ses  yeux  bleu  pâle  et  blancs  interrogeaient ceux
        de  ia  bergère et semblaient lui  dire  :
          « Maîtresse,  vous  ne  le  voyez donc pas ? D
          -  Mais  si,  chien, je le  vois.
          -  Faut-il mordre ? n
          6.  Du bout de sa petite main, qu'elle remuait à peine,  juste pour
        que  Courard  pût comprendre,  elle  répondait  :
          cc  Pas  encore !
          -  Mais enfin, Maîtresse, voilà ce  grand encorné qui fait semblant
        de  hro11ter lJJerbr, du  talus  et qui s'avance vers la  brèche 1
                                2
          -  Il  n'est encore  qu'à trois ou  quatre  pas du mauvais  passage,
        mon bon Courard.
          -  Le voici sur le talus ! II a commencé de descendre ! II a les deux
        pieds  <le  devant sur la  pente, de  l'autre côté, et la croupe en l'air!
          -  Va,  mon  Courard,  ramène-le!
          7.  Il avait suffi, pour dire tout cela, du geste menu rie  cinq doigts
        roses.  En un instant, Courard fut  près de  la haie, la sauta, apparut,
        la  gueule ouverte, devant le  front de  Rougeaud,  qui recula, en rou-
        lant ses yeux ~t orientant ses cornes à  droite et à gauche, selon que
        le  chien avait l'air d'attaquer d'un côté ou de  l'autre. Trois minutes
                                            3
        plus  tard,  Courard,  content  de  lui,  flatté  par la  main  de  Jeanne,
        s'asseyait de nouveau à son poste, près de  sa maîtresse, et reprenait
        la  surveillance  du  troupeau  rassemblé.

                René  BAZIN  ( Il était quatre  prtits  enfants,  Marne  et  fils,  éditeurs).
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