Page 161 - La Lecture Expressive
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r Lecture 77. Les moutons de Panurge
Panurge est un Joyeux compagnon, • malfaisant, trompeur, buveur,
traîneur de rues•• qui, au coun d'un voyage en mer, vient d'avoir une
querelle avec Dlndena ult, le marchand de moutons, et qui s'est Juré de lui
Jouer un méchant tour.
1. Panurge pria Dindenault de bien lui vouloir vendre un de ses
moutons. Le marchand lui répondit : « Vraiment, vous êtes un
vaillant marchand I Vous portez le minois non pas d'un acheteur
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de moutons, mais bien d'un coupeur de bourses •
- Patience, dit Panurge. Mais, de grâce, vendez-moi un de vos
moutons. Combien 'l
- Ce sont moutons à la grande laine, moutons de haute graisse,
répondit le marchand. Je vous fais un pari, ami Panurge. Mettez-
vous dans ce plateau de balance et ce mouton sera dans l'autre ; je
gage un cent d'huitres que, en poids, en valeur, en prix, il vous
emportera haut et court, ainsi que vous serez un jour suspendu et
pendu.
2. - Patience, dit Panurge ... S'il vous plaît, vendez-m'en un :
voici de l'argent comptant. Combien ? D Disant cela, il montrait son
escarcelle pleine de pièces d'or tcutes neuves.
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- Notre ami, dit le marchand, de la toison de ces moutons seront
faits les fins draps de Rouen. Et, quand je vous aurai loué dignement
les épaules, les gigots, la poitrine, le foie, la rate, les côtelettes, la
tête ...
3. - Allons, allons, dit le le patron du bateau, c'est trop hésiter.
Vends-le-lui, si tu veux; si tu ne veux pas, ne l'amuse plus.
- Je le veux, répondit le marchand, pour l'amour de vous. Mais
il le payera trois livres tournois.
- C'est beaucoup, dit Panurge. En nos pays, j'en aurais bien
cinq pour le même prix. Prenez garde que ce ne soit trop. Vous n'êtes
pas le premier de ma connaissance qui, à vouloir devenir trop riche,
s'est au contraire appauvri, ou même rompu le cou. "
4. Panurge, ayant payé le marchand, choisit dans le troupeau
un beau et grand mouton, et l'emport.a, criant et bêlant, tandis que