Page 194 - Histoire de France essentielle
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Lectures. 186 - LA RÉVOLUTION.
90e Lecture. — La France à l'époque du 18 brumaire.
Elle est moralement lasse, indifférente aux principes; elle est deve
nue étrangère à l’idéal de 89 : liberté, fraternité, prosélytisme civique
et humanitaire. Mais les résultats matériels de la Révolution lui sont
plus que jamais précieux; elle voudrait les mettre hors de toute
atteinte, se livrer sans crainte aux travaux de la paix, cultiver, fabri
quer, ouvrir des routes, creuser des canaux, s’enrichir en un mot et
jouir. Or le gouvernement de Bonaparte lui donne tout cela. Il purge
les provinces des bandes de brigands qui les infestent, impose silence
aux partis, exige de ses fonctionnaires, qu’il recrute dans tous les
camps et jusque parmi les royalistes d’un côté et les régicides de
l’autre, une exacte probité, une activité incessante, laisse rentrer les
émigrés, mais « garantit pleinement les propriétés de toute origine »
et rassure ainsi les innombrables acquéreurs des biens nationaux. Il
crée la Banque de France, admirable instrument de crédit: sur la
double base de la communauté d’impôts et de l’égalité civile, il réor
ganise les finances et la justice, et enfin, par la rédaction du Gode
civil, il établit un système de lois civiles, pénales et commerciales, où
se trouve réglé tout ce qui concerne les personnes et les biens.
Dans cet ensemble de créations ou de réorganisations sociales, il
serait sans doute excessif de tout attribuer à Bonaparte; néanmoins sa
part, son œuvre de direction reste grande, mais ne justifie pas son
coup d’État. D’abord rien, sauf le repentir et la réparation du crime,
ne peut absoudre le crime. En second lieu, il y a une intime liaison
entre le Consulat et l’Empire : les bienfaits du premier ne pouvaient
manquer de causer indirectement beaucoup de mal à la nation, parce
qu’ils lui faisaient aimer sa servitude, l’accoutumaient de plus en plus
à ne rien vouloir, à ne rien entreprendre par elle-même dans l’ordre
politique, et la préparaient ainsi à l’abdication totale qui devait lui
être si funeste. (D'après R. Périé, l'École du citoyen.')
91e Lecture. — Passage du Mont Saint-Bernard.
Lannes passa le premier, à la tête de l’avant-garde, dans la nuit du
i4 au i5 mai. Il commandait six régiments de troupes d’élite, parfai
tement armés et qui, sous ce chef bouillant, quelquefois insubordonné,
mais toujours si habile et si vaillant, allaient tenter gaiement cette
marche aventureuse. On se mit en route entre minuit et deux heures
du matin, pour devancer l’instant où la chaleur du soleil, faisant
fondre les neiges, précipite les montagnes de glace sur la tête des voya-