Page 62 - Akim

Reportage
de
Jean
Ollivier

L n’y a rien de plus primitif énigme. Elle fait partie du mer­
dans la masse, de moins veilleux du monde. N'est-ce pas
I compréhensible dans le Melville, l'auteur du fameux
comportement, de plus étrange « Moby Dick », la baleine blan­
dans le monde vivant que la che, qui définissait en ces quel­
baleine. ques lignes sa prodigieuse
aventure : « La baleine est im­
Les espèces de la terre sont mortelle en tant qu’espèce,
répertoriées, classées, étique­ tandis qu’elle est mortelle
tées. L’inconnu est à peu près comme individu. Avant qu'il y
effacé de la surface des conti­ eut des continents, elle nageait
nents. au-dessus des Tuileries, sur le
château de Windsor et sur le
La baleine, elle, demeure Kremlin... »
comme un témoignage de la
démesure du monde à ses ori­ ... Baleines franches, ror­
gines. Les grands monstres du quals, orques, cachalots... Les
secondaire — diplodocus, atlan- savants ont compartimenté ces
tosaures, brontosaures — ont monstres de la mer et ils ont
disparu, victimes de leur gigan­ évidemment leurs raisons, mais
tisme. Peut-être parce qu’elle pour les hommes de la mer, et
est demeurée de bout en bout pour le commun des mortels,
fidèle à son élément d’origine, cachalots, orques, rorquals et
la mer, source de la vie, la baleines franches sont et reste­
baleine a survécu à ce cata­ ront avant tout des baleines...
clysme biologique. Après des Les harponneurs et autres ma­
millions d’années d’histoire, elle rins de navires baleiniers avaient
apparaît encore comme une baptisé à leur façon les grands
60 —