Notre Vallée : Religion, Révolution et Persécutions
Aux amateurs d'histoire de Savoie : les chartreuses de Vallon et Ripaille |
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La vie de M. Bouvet Jacques Dit l'Oncle Jacques La génération, qui va s'éteignant sous nos yeux, a pu connaître encore quelques-uns de ces hommes, dont l'attitude et les services, pendant la tourmente révolutionnaire, semblaient devoir immortaliser la mémoire. Mais, en disparaissant de la scène de la vie, ces grandes figures subissent le sort commun : Debemur morti nos nostraque. Un moment leur mémoire a paru grandir, comme le sillage va s'élargissant à mesure que le navire s'éloigne ; mais, de même que sa trace ne tarde pas à s'affaiblir, puis à disparaître de la surface des eaux, ainsi en serait-il, même des existences qui ont le mieux marqué leur passage par leurs œuvres, si la plume n'en recueillait et n'en fixait les souvenirs. S'il fut, dans les rangs du clergé, une mémoire qui ne doive pas périr, un nom populaire et sympathique, une carrière pleine et féconde, ce sont assurément là des avantages que nous pouvons revendiquer pour M. Bouvet, dit !'Oncle Jacques. Pendant la grande Révolution, il fut comme le second apôtre du Chablais ; plus tard, il fut, pendant vingt-six ans, à Annecy, le plus grand restaurateur de la religion, le bienfaiteur, l'ami, le père et le pasteur de tous les habitants de cette ville. Un laps de soixante ans n'a pu encore démolir cette mémoire ni effacer les traits de cette figure. Mais déjà ces traits commencent à se brouiller. Hâtons-nous de les recueillir et de les dessiner, pour les préserver de l'oubli, pour les présenter encore reconnaissables et toujours admirables à nos contemporains et même à nos neveux. Il y a plus de cinquante ans, une plume autorisée et amie, celle de l'illustre M. Vuarin, curé de Genève, avait rédigé une notice sur M. Bouvet. Mais ces pages, trop courtes et déjà rares, n'étaient que le prélude d'un important ouvrage, qu'il annonçait sous ce titre : Mémoires historiques sur le Clergé de Genève, pendant les persécutions du siècle dernier. Nul doute que l'Oncle Jacques n'y eût occupé une place distinguée. Malheureusement, l'illustre écrivain n'a pu remplir ni sa promesse ni notre attente : la mort vint le frapper. Dans ses précieux Mémoires sur le diocèse de Chambéry, S. E. le cardinal Billiet n'a pu étendre assez son cadre pour nous laisser quelque mention de l'Oncle Jacques, qui était cependant pour Lui une connaissance intime, un ami. Cette regrettable lacune a été, en partie, comblée par une lettre précieuse, où, avec une déférence qui nous confond, Il a daigné nous éclaircir quelques difficultés historiques. Elle enrichira les notes de ce livre. Du reste, toute lacune eut disparu, si S. G. Mgr Magnin avait eu assez de loisir pour donner l VII à son diocèse d'Annecy ses Mémoires ecclésiastiques, si vivement désirés et que nul, mieux que Lui, ne pouvait rendre intéressants et complets. En attendant, nous venons offrir au public la Vie de M. Bouvet dit l'Oncle Jacques. Cette existence s'est trouvée mêlée à tant d'évènements divers, à tant de situations critiques, à tant d'œuvres de tous genres qu'elle présentera un intérêt à la fois historique et dramatique. A nos vénérés confrères dans le sacerdoce, cette Vie rappellera, en les commentant, les paroles que Mathatias mourant adressait à ses enfants : N'oubliez pas les amures de nos ancêtres dans le service de l'Eglise ; comme eux, soyez prêts aux épreuves nouvelles que la Providence semble nous préparer, et, dussiez- vous être victimes du devoir, vous recueillerez une grande gloire el un nom éternel (1. Macch., II, 51). Aux habitants d'Annecy et du Chablais, cette Vie répètera les paroles de l'Apôtre : Souvenezvous de ces hommes de Dieu, qui furent les apôtres el les pères de vos âmes ; contemplez leur vie, leurs combats et leur mort ; imitez leur fidélité (Hebr., II, 13). Le biographe lui-même de M. Bouvet, en étudiant et en écrivant une vie aussi sacerdotale, conservera présentes à la mémoire ces paroles de M. Vuarin, dans sa notice sur M. Bouvet:« Il a administré la paroisse de Saint-Maurice pendant vingt six ans ... , avec un zèle qui pourra être rappelé à tous ses successeurs, comme modèle et comme motif d'encouragement. Mais, de même qu'il est plus facile d'admirer cette vie que de l'imiter, de même il est plus facile de l'étudier que de l'écrire. Cette belle carrière, prise dans son ensemble comme dans ses détails, paraît vraiment merveilleuse. Plus nous nous mettons en face de ce prêtre exceptionnel, plus cette figure grandit sous nos regards. Du reste, la Providence nous a facilité notre tâche, en nous plaçant sur les deux principaux théâtres où a paru notre héros. Dans le Chablais comme à Annecy, partout nous avons pu reconnaître les grandes traces de son passage ; partout recueillir, sur place, des souvenirs et des documents précieux pour sa biographie. Mais, outre les recherches que nous avons faites nous-même, il nous a été donné de profiter d'un important recueil de notes, patiemment et consciencieusement colligées par M. le chevalier Rollier, de Thonon, à une époque déjà reculée, où les souvenirs étaient encore frais et un grand nombre de témoins vivants. Qu'il en reçoive ici notre reconnaissance, ainsi que tous les autres obligeants correspondants dont nous avons utilisé les travaux. Un regret, que nos lecteurs éprouveront comme nous, c'est que nous n'ayons pu soigner, comme nous l'eussions désiré, la forme littéraire de notre récit; mais ils s'en consoleront, comme nous, par la fidélité et l'intérêt du fond. Tout y est rigoureusement vrai, même les récits qui portent la teinte la plus légendaire. Lorsque nous y trouverons des raisons d'opportunité ou de convenance, nous supprimerons des noms propres ; mais nous n'entendons point nous faire une loi inflexible d'un pareil silence. Il est des noms qui se sont d'eux-mêmes livrés, sinon à l'histoire, du moins à la publicité. A eux de porter devant le public le poids de leurs œuvres. Dieu nous garde d'abuser du droit d'appeler les personnes et les choses par leurs noms ! |
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La vie de M. Bouvet Jacques Dit l'Oncle Jacques |
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Lire une page (Page 51-52) Au plus fort de la tourmente. Fin du printemps de 1794. En mai 1794, les quelques prêtres restés ou revenus au pays arrivaient à l’heure la plus critique de leur rude apostolat. Le 15 de ce mois, l’abbé Morand était fusillé à Thonon. L’abbé Vernaz avait déjà subi le même sort, en cette ville, le 22 février (1). Toutes les autorités étaient en éveil sous l’œil impitoyable d’Albitte. De lâches dénonciateurs, tels que le malheureux Giguet, de Magland, se glissaient de village en village, comme des reptiles, et, pour une vile rançon, épiaient sans répit les actes des missionnaires. Ceux-ci avaient bien des motifs de trembler. Le bruit leur parvenait encore qu'un autre instrument de mort, l’horrible guillotine, était en préparation. Déjà elle fonctionnait à Chambéry, elle était commandée pour Annecy, et en projet d’établissement à Carouge, à Thonon, et à Cluses. Il y avait là des apprêts capables d’intimider les plus intrépides. Marin Ducrey ne parut pas s’en*émouvoir outre mesure. Il continuait avec une vigilance plus grande peut-être, mais aveé non moins d’empressement, à parcourir toute la région. Sauver une âme, en sauver une autre- et d’autres encore, telle était la pensée qui absorbait sa vie. Quel rôle émouvant ! C’est le rôle du sauveteur qui s’élance coup sur coup à travers les flammes crépitantes d’un incendie, pour en retirer quelques malheureux allant périr. Chacune de ses courses pouvait lui être fatale ; et maintes fois il lui arriva de faire de très dangereuses rencontres. Il cheminait un matin, à la pointe du jour, sur la route de Sallanches à Magland, une pioche sur l’épaule. Deux gendarmes arrivaient en sens inverse. — Citoyen, connais-tu Marin Ducrey ? demandèrent-ils, en passant. — Oui, citoyens, je le connais bien un peu. — Sais-tu où il se trouve en ce moment ? — Je crois, répondit-il sans sourciller, qu’il n’est pas loin d’ici, et qu’en allant vite, vous pourrez le trouver. Sur ces mots, on se sépara pour continuer la route en sens opposé (1). |
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L'Abbé Marin DUCREY Un héros des temps révolutionnaires en Savoie |
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Les Décrets de Mars en Savoie Expulsion des RR. PP. Capucins de Thonon les Bains Lire une page (Page 5)L’article 7 du projet de loi sur l’enseignement supérieur avait été imaginé dans l’intention de bannir des écoles toutes les congrégations religieuses et de les remplacer par des instituteurs à la solde et à la dévotion du gouvernement. C’était une confiscation de la liberté de l’enseignement. Le rejet, par le Sénat, de ce fameux article, suscita dans la majorité républicaine une violente colère. Un ministère, issu tout entier de son sein, se chargea de répondre à la Chambre haute en lançant les décrets du 29 Mars 1880. Ces décrets avaient la prétention de redonner le jour à une vieille loi attentatoire à la liberté, condamnée dès son apparition par le bon sens public et oubliée, pour cela, par les gouvernements les plus autoritaires qui se sont succédés en France. Il y a dans l’arsenal de nos lois bien d’autres ordonnances qui n’ont jamais été rapportées et en vertu desquelles tout gouvernement d’aventure, pareil à celui que nous avons à cette heure, pourrait nous expulser ou nous raccourcir. |
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Les Décrets de mars en Savoie Expulsion des RR. PP. Capucins |
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Persécutions religieuses en Savoie |
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