Page 440 - Les merveilles de l'industrie T1
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436                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                     on augmente le feu pour bien chauffer la pâte qui,   technique de l’opération de la liquidation
                     dès ce moment, ne bout plus. Mais il se fait un tra­  du savon blanc, que nous rapporterons ici
                     vail dans l’intérieur de la masse; celle-ci s’éclaircit
                     parfaitement par le concours de la chaleur et de l’hu­  parce qu’elle complète et explique l’exposé
                     midité ; elle se dépouille peu à peu, des parties colo­  qui précède.
                     rées qui se précipitent vers le fond; cette épuration est
                     activée par de petites doses de lessive qu’on ajoute   « La liquidation du savon blanc, dit M. Jules
                     de temps en temps. On reconnaît que la pâte est   Roux, se fait comme suit :
                     purgée quand le liquide, que le râble amène à la   « Lorsque, par des additions de lessive faibles, on
                     surface, au lieu d’étre clair et fluide, commence à   fait descendre à 10° le titre de la lessive qui imprègne
                     prendre une teinte noire et à devenir visqueux. Cet   la pâte, la marbrure ne peut se produire, parce que
                     indice annonce que la pâte est suffisamment homo­  la portion dissoute tombe au fond de la chaudière,
                     gène, et la teinte noire du dépôt ramené prouve que   entraînant avec elle toutes les matières étrangères
                     le savon alumino-ferrugineux s’est précipité.  et colorantes et constitue ce qu’on appelle le gras.
                       « A cette époque, on continue d’agiter la pâte pen­  «Le restant de la pâte, ainsi purgé, n’est ni soluble
                     dant une heure ou deux, et l’on entretient un feu   ni même miscible avec le gras, et c’est une erreur
                     modéré. Au bout de ce temps, on cesse de chauffer   de croire que la précipitation des parties colorantes
                     et d’agiter, on laisse reposer la pâte pendant trente   soit déterminée par dilution du savon dans l’eau.
                     ou trente-six heures, afin que le savon alumineux-   Tant que la lessive, sur laquelle nage le savon, n’est
                     ferrugineux se précipite le mieux possible au fond   pas trop affaiblie, l’hydratation de la pâte ne varie
                     de la chaudière, et que le produit blanc qu’on se   que dans d’étroites limites (31 à 33 pour 100), et si
                     propose d’obtenir, soit plus abondant et de plus belle   l’on tente de l’augmenter par des affusions d’eau,
                     qualité.                                  bien loin de déposer le peu de sulfure de fer qui la
                       « La précipitation étant complète, on enlève une   colore, la lessive envisque le savon, c’est-à-dire le
                     écume assez volumineuse qui s’est formée pendant   convertit en une masse gélatineuse qui ne laisserait
                     la préparation, et on la met à part pour l’ajouter à   pas même précipiter des grains de sable.
                     de nouvelles cuites de savon. L’écume étant entiè­  « Les phénomènes que présente le savon en pas­
                     rement enlevée, on extrait la pâte de savon blanc, et   sant par les trois états de : Savon liquidé,savon dissous
                     on la reçoit dans des vases en bois munis de deux   ou gras, savon envisqué, sont tous distincts et bien
                     anses portant le nom de servidous. Ces derniers étant   caractérisés.
                     remplis, on les porte dans des salles qui servent de   « Le savon passe de l’un à l’autre sans transition
                     mises, et qui, en hiver, occupent les places les plus   et non pas graduellement, ce qui exclut la possibilité
                     élevées de la fabrique, et en été au contraire les   de laisser involontairement plus ou moins d’eau dans
                     étages inférieurs.                        le savon blanc fabriqué d’après leprocédémarseillais.
                       « Le sol de chaque mise est recouvert de chaux en   « Ce mode de fabrication indique le but qu’on a
                     poudre, sous une épaisseur de 2 centimètres et bien   voulu atteindre, c’est-à-dire la réalisation d’un pro­
                     aplanie; un crible de fil de fer, supporté par trois   duit franc et loyal, dégagé même des impuretés
                     pieds, est placé à l’extrémité de la mise, une feuille   inhérentes aux matières employées et sans possibi­
                     épaisse de papier est placée en dessous pour préve­  lité de fraude, autrement que parla volonté expresse
                     nir le dérangement de la chaux. Le filtre étant dis­  du fabricant.
                     posé, les ouvriers apportent la pâte contenue dans   « il n’y a pas d’excuses à chercher dans l’insuccès
                     les servidous, et la vident sur le crible qui retient les   du procédé. Celui-ci n’en comporte pas. Si le savon
                     impuretés. On vide la chaudière, de cette manière,   blanc a été liquidé et levé sur son gras, il ne con­
                     jusqu’à ce que l’on soit arrivé au savon coloré qui   tiendra invariablement que son eau de composition
                     occupe le fond. Le savon versé dans les mises est en­  normale, soit 32 à 33 p. 100 (I). »
                     core assez liquide pour se niveler; mais à peine une
                     mise est-elle pleine, qu’il se forme à la superficie de
                     la couche de savon une pellicule qu’on a soin de dé­  La figure 297 représente l’opération de la
                     truire et de mélanger à la masse de la pâte en agi­  liquidation du savon blanc dans une usine
                     tant légèrement celle-ci avec une longue pelle de   de Marseille.
                     fer (1). »
                                                                 Le savon ainsi obtenu se solidifie après
                                                               trois ou quatre jours. Alors on Yaplan.it, en
                       M. Ch. Roux fils, dans un mémoire im­
                                                               frappant fortement sur toute la surface de
                     portant, qui nous fournit plusieurs rensei­
                     gnements utiles, donne une description
                                                                 (I) De la savonnerie marseillaise, par M. Jules Roux
                                                               (Ch. Roux fils', Mémoire lu à la Société de statistique de
                       (1) Tome Vf, page 728.                   Marseille. Brochure in-8°. Marseille, 1868, pages 31-32.
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