Page 368 - Les merveilles de l'industrie T1
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POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES. 363
dition du silex calciné à la pâte argileuse ce que sa pâte est opaque et non translucide, po
fut, comme nous l’avons dit, le résultat du reuse et non vitrifiée à demi; en ce que, encore, sa
couverte ne forme pas, comme celle de la porce
hasard, ou plutôt d’une observation judi
laine, une combinaison intime avec la pâte cérami
cieuse. C’est en observant que le silex blan que qu’elle protège.
chit par la calcination, que le potier Ast- « La faïence fine est aujourd hui, après les faïences
bury, eut, le premier, l’idée de blanchir communes que fabriquent fous les peuples, après
les terres cuites destinées à l’art des constructions,
la pâte calcaire des argiles par l’addition du le produit céramique le plus important de l’Europe
silex calciné. sous le rapport non-seulement du nombre, mais
La blancheur de la pâte de cette poterie, encore de la valeur des objets fabriqués : cette va
leur atteint près de 80 millions de francs.
l’éclat et la dureté de son vernis, lui assu
« Considérée au point de vue industriel, la faïence
rent une place importante parmi les pro fine est un produit moderne; c’est à la fin du siècle
duits de l’industrie céramique moderne. dernier qu’on la voit naître en Angleterre ; c’est en
Aussi exposerons-nous avec quelque étendue 1825 seulement que la France en tente la fabrica
tion. Mais longtemps avant cette époque la faïence
tout ce qui s’y rapporte.
fine avait fait dans le domaine de l’art une appari
M. Aimé Girard, dans son rapport sur les tion éphémère et dont le temps n’a épargné que
produits céramiques de l’Exposition univer quelques rares témoins. Les belles poteries connues
sous le nom de faïences de Henri II ne sont autres,
selle de 1867, a donné sur la faïence fine ou
en effet, que des faïences fines, à couverte transpa
anglaise, des détails fort instructifs, que rente et semblables de tous points aux premiers pro
nous croyons devoir reproduire. duits sortis deux cents ans après des fabriques an
glaises, Cependant ce n’est point de ces poteries que
« Sous les noms de porcelaine opaque, de demi-por les céramistes de l’Angleterre se sont inspirés pont
celaine, de cailloutage, de lithocérame, de granit, de créer la faïence moderne; ils ne les connaissaient
china, on désigne, en France, dit M. Aimé Girard, les pas, et aucune tradition n’avait pu leur en transmet
variétés plus ou moins belles d’une poterie à laquelle tre la composition. Au milieu du xvie siècle, le Poi
appartient et convient seul le nom de faïence fine. tou avait vu prospérer, pendant quelques années
Les Anglais ont également pour ce produit des noms peut être, la fabrication de ces produits; puis, tout
très-variés; ils l’appellent : earthen vase, flint-vase, d’un coup, fabricants et fabrication avaient disparu,
ironstone; wedgwood,white glaze, white-granit, cream- sans laisser aux temps modernes d’autres traces de
colour, pearl-glaze, etc.; pour les Allemands, c’est le leur passage que les cinquante et quelques pièces
steingut, le hartsteingut, le feine faïence, le weissgra- qui sont parvenues jusqu’à nous.
nit; pour les Suédois, c’est la porslim aokta (fausse « La création de la faïence anglaise est l’œuvre
porcelaine) ; pour les Italiens, la terraglia ; pour les d’Astbury et de Wedgvvood : le premier, vers 1730,
Espagnols, la loza fina; pour les Portugais, la louça découvrait le moyen d’éteindre la coloration ocreuse
vidrada. de l’argile plastique en additionnant celte terre de
« Quelque nombreux et généralement impropres silex blanchi par la calcination. Le second, trente-
que soient ces différents noms, ils ne s’en appliquent trois ans plus tard (1763), complétait cette découverte
pas moins à un produit unique, dont les qualités en remplaçant le vernis essentiellement plombeux
peuvent varier en intensité, mais sont cependant des poteries d’Astbury par des glaçures analogues à
assez faciles à préciser pour faire de ce produit une celle des terres de pipes françaises.
individualité, définie. « Entre les mains habiles de Wedgvvood la faïence
« La faïence fine, en effet, se distingue aisément fine se perfectionna rapidement ; et, dès le com
de toutes les autres sortes de poteries. mencement de ce siècle, les travaux de l’illustre po
« Elle diffère de la faïence commune en ce que sa tier d’Étruria avaient mis l’Angleterre en possession
pâte est blanche ou à peine jaunâtre, en ce que sa de méthodes qui devaient bientôt lui permettre de
couverte est transparente et laisse voir la pâte qu’elle répandre dans le monde entier les produits de son
recouvre, tandis que celle de la faïence commune industrie céramique.
est opacifiée par l’oxyde d’étain, et cache sous un « Ces produits étaient à peine connus en France
émail laiteux la coloration du subjectile; à ce dou lorsque, en 1824, M. de Saint-Amand, que plusieurs
ble caractère, il faut ajouter que la couverte de la voyages en Angleterre avaient mis à même d’en
faïence fine est d’une grande dureté et ne se laisse apprécier les qualités éminentes, entreprit d’en im
entamer par l’acier que sous l’action d’une pression porter la fabrication dans notre pays. Après s’élre
considérable. assuré la priorité de ]a tentative par un brevet d’im
« Elle diffère de la porcelaine dure ou tendre en portation pour appliquer anx matières indigènes les