Page 165 - Album_des_jeunes_1960
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En avez-vous déjà rencontré un qui savait jouer de la trompette ?



































         Un phoque à la maison




                                             par Rowena Farre



                uand j’étais petite, je vivais dans le Nord   nous avions déjà des chèvres, un petit chien
                 de l’Ecosse avec ma tante Miriam. Nous     bâtard jaune, deux bébés loutres, deux écureuils
                 habitions une maison minuscule, sur        apprivoisés et un rat familier nommé Rodney.
         une lande déserte, éloignée de tout. Dans le pays,   Aussi manquait-elle d’enthousiasme pour adopter
         on appelle ces petites maisons des « closeries ».   un phoque. Elle y mit une condition : Lora serait
         La nôtre n’avait pas le confort moderne : nous     ramenée au bord de la mer aussitôt qu’elle pour­
         allions chercher l’eau au ruisseau voisin et, le   rait se débrouiller toute seule. Mais dès le pre­
         soir, nous allumions la lampe à pétrole. Le village   mier instant Lora fit notre conquête. Elle
         le plus proche était à une quarantaine de kilo­    acceptait sans façons son biberon de lait de chèvre
         mètres et, naturellement, nous n’avions pas le     chaud, et elle était si contente quand nous la
         téléphone. Notre seule compagnie était celle de    soulevions dans nos bras pour la caresser !
         nos animaux.                                          A mon grand soulagement, tante Miriam fut
           Ma tante aimait toutes les bêtes sauvages et     bientôt conquise et ne parla plus jamais de se
         chaque fois que nous trouvions un animal blessé,   séparer de notre amie.
         oiseau ou quadrupède, nous l’apportions à la mai­
         son pour essayer de le guérir. C’est ainsi que la                Lora s’installe
         petite Lora, un folâtre bébé phoque, est devenue
         ma fidèle compagne de tous les instants.                 lever un phoque n’est pas une petite
           Un pêcheur m’en avait fait cadeau, me racon­             affaire ; je ne tardai pas à m’en aperce­
         tant qu’elle avait dû être séparée de sa mère au           voir. Ma nourrissonne devait prendre
         cours d’un terrible ouragan.                       quatre biberons par jour. Elle me le rappelait par
           Tante Miriam adorait les bêtes, bien sûr, mais   une sorte de bêlement bizarre qui se changeait en
                             © 1956 Rowena Farre. « Le Phoque et la jeune fille », Albin Michel, éd., Paris  163
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