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284                 .MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                     lier de la pression pour activer la filtration.   draps et qui était alors sans aucune valeur.
                     Grâce à la pression, un filtre de très-petite ca­  La laine, salie par le filtrage, était lavée à
                     pacité débitait une quantité considérable   l’eau courante, puis employée de nouveau.
                     d’eau dans un court espace de temps. Le filtre   Souchon construisit, avec la laine tontisse
                     de l’Hôtel-Dieu, quoiqu’il n’eût pas un mètre   et les éponges, un filtre qui fit une grande
                     d’étendue superficielle, donnait avec une   concurrence à celui de Fonvielle.On l’établit
                     pression d’une atmosphère et 1 /6 seulement,   à l’Hôtel-Dieu, en regard de son concurrent,
                     50,000 litres d’eau clarifiée par vingt-qua­  et les avantages des deux appareils se mon­
                     tre heures. Encore ce nombre, déduit de   trèrent les mêmes.
                     l’examen des divers services de l’hôpital,   L’Académie des sciences avait approuvé
                     n’était-il qu’une petite partie de ce que l’ap­  un rapport d’Arago exaltant les vertus du
                     pareil entier aurait fourni si la pompe ali­  filtre Fonvielle. L’Académie de médecine
                     mentaire eût été continuellement en charge.   de Paris approuva un rapport de MM. Gau­
                     Arago reconnut, par expérience, que le filtre   thier de Claubry et Bayard, exposant les qua­
                     Eonvielle donnait jusqu’à 95 litres d’eau par   lités de la laine tontisse.
                     minute, ce qui représentait 136,000 litres   La Revue scientifique du mois de mars
                     en vingt-quatre heures. En comparant ce   1842, a résumé les observations et expé­
                     débit à celui des filtres alors en usage, on   riences faites par Gauthier de Claubry et
                     trouva qu’il était dix-sept fois plus grand.   Bayard. Suivant l’auteur de ce résumé, « ce
                     L’idée d’appliquer la pression au filtrage   qui fait la supériorité des filtres à laine sur
                     de l’eau était donc une innovation impor­  les filtres à charbon, c’est non-seulement
                     tante.                                    la qualité des eaux obtenues, la rapidité du
                       En 1839, un autre industriel, Souchon,   filtrage, le bon marché, mais encore la ra­
                     eut l’idée de substituer la laine au charbon   pidité et la facilité du nettoyage des filtres.
                     et aux éponges employés dans le filtre Fon­  La présence d’une plus grande quantité
                     vielle. Sans doute cette matière avait déjà   de limon en hiver est sans doute gênante,
                     été employée à cet usage, mais Souchon en   en ce qu’elle rend ce filtrage plus pares­
                     faisait une véritable nouveauté par l’espèce   seux, en ce qu’elle demande des couches
                     de laine à laquelle il s’adressait. Souchon   flottantes de laine plus nombreuses; mais
                     prit la laine tontisse, c’est-à-dire le produit   elle compense une partie des inconvénients
                     de la tonte des draps dans les fabriques. Ce   en rendant plus facile le nettoyage des fil­
                     produit laineux, presque sans valeur, opère   tres. Le limon aide, en effet, au dégraissage
                     la filtration tout aussi bien que la chausse de   de la laine. »
                     laine, ou chausse d'Hippocrate, qui, depuis   Les filtres Fonvielle et Souchon étaient
                     des siècles, est en usage dans les pharma­  d’excellents appareils, qui pouvaient lutter
                     cies, dans les laboratoires de produits chi­  l’un contre l’autre à armes égales et avec des
                     miques et chez les confiseurs, pour filtrer   avantages très-balancés. Fonvielle et Sou­
                     les sirops et les liqueurs. Bien plus, Amy,   chon prirent le meilleur parti ; ils fusion­
                     en 1749, avait fait entrer la laine dans la   nèrent leurs intérêts et leurs appareils. Un
                     confection de ses filtres domestiques. Seule­  système nouveau, qui reçut le nom de filtre
                     ment, au lieu de prendre la laine à l’état de   Fonvielle-Souchon, fut construit, breveté et
                     flocons, ou d’employer le sac de laine    installé dans les fontaines marchandes de
                     [chausse des pharmaciens') Souchon, comme   Paris. Vedel, directeur de la compagnie
                     il vient d’être dit, prenait la laine à l’état de   Fonvielle, et Bernard, gérant de la compa­
                     courtes fibrilles, que fournit la tonte des   gnie Souchon, fondèrent, en 1860, la Com-
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