Page 273 - Les merveilles de l'industrie T1
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268                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                        plut à parcourir l’usine d’Honoré Savy, et   que de fabricant, de reconnaître ses produits.
                        voulut assister à toutes les opérations de
                        la fabrication des ouvrages en faïence. Le   11 en est tout autrement de la faïence de
                        comte de Provence (depuis Louis XVIII), fut   Moustiers, qui tient une grande place dans
                        si satisfait de sa visite, qu’il permit au faïen­  les collections modernes.
                        cier de Marseille de mettre sa manufacture   Moustiers est une petite ville des Basses-
                        sous sa protection et d’y placer sa statue au   Alpes. La prospérité de l’industrie céramique
                        milieu d’une galerie. L’établissement de   dans cette localité s’explique par son voisi­
                        Savy prit donc, à partir de ce moment, le   nage de l’Italie, où florissaient encore les
                        titre de Manufacture de faïence émaillée et   arts plastiques et les dernières traditions de
                        porcelaine de Monsieur, frère du roi (1).  la majolique toscane. Marseille était, d’ail­
                          Les produits de la manufacture de Robert   leurs, à ses portes, pour expédier ses pro­
                        étaient très-variés, etse distinguaient parla   duits au dehors.
                        richesse des couleurs, ainsi que par la cor­  M. Davillier qui s’est occupé de chercher
                        rection des dessins.                       les origines des arts céramiques dans le Midi
                          Reaucoup de pièces de ce fabricant sont   delà France (1), signale parmi les premiers
                        remarquables par leurs dimensions et les   et les plus célèbres faïenciers de Moustiers,
                        contours gracieux de leurs formes.         les deux Clerissy, à savoir Pierre Clerissy
                          Bonnefoi était un autre faïencier de Mar­  qui vivait en 1686 et Clerissy II, fils d’An­
                        seille renommé en Provence. On connaît     toine Clerissy , qui fut anobli par le roi
                        de lui quelques œuvres importantes.        en 1743.
                           Robert et Bonnefoi furent nommés par      En 1789, Moustiers comptait douze fabri­
                        leurs collègues, députés à l’assemblée du   ques de faïence.
                        Tiers-Etat qui se tint à Marseille, à l’hôtel-   Les faïenciers de Moustiers les plus connus
                         de-ville, le 24 mars 1789.                sont : Paul Roux, F. Vacq, Joseph Olery,
                           En 1789, Marseille possédait neuf fabri­  Logier, Deloye, Rion, Antoine Guichard,
                        ques de faïence émaillée et trois fabriques de   Pierre Fournier, Rolet, Gran, Gros, So-
                         poterie vernissée. Elles occupaient trois cent   liva, etc.
                         cinquante ouvriers, et exportaient pour plus   Les décors de Moustiers sont d’une élé­
                         de 37,000 livres par an de faïence. En 1805   gance extraordinaire. Les peintures repré­
                         ces fabriques étaient réduites à trois, à   sentent souvent des sujets mythologiques.
                         deux en 1806, et à une seule en 1810.     Ces sujets sont entourés de rinceaux, de bal­
                           Cette unique fabrique existe encore de   daquins, ou accolés à des cariatides, accom­
                         nos jours, mais elle n’emploie que dix    pagnés quelquefois de vases à fleurs et de
                         ouvriers. La décadence de cette industrie à  jets d’eau. D’autres peintures représentent
                         Marseille, comme dans le Nord de la France,   des scènes aquatiques, des Titans, des Né­
                         a eu pour cause la propagation de la porce­  réides ou des monstres marins.
                         laine.                                      Nous donnons (fig. 205) un vase de Mous­
                           La faïence de Marseille n’a pas de cachet   tiers, comme type de la faïence de cette lo­
                         artistique proprement dit, à moins que l’on   calité.
                         ne considère comme tel ses fleurs, ses papil­  Les produits de Moustiers étaient très-
                         lons et ses figures grotesques. 11 est, d’ail­  appréciés au siècle dernier. Pigamal de la
                         leurs, très-difficile, en l’absence de mar-  Force, l’abbé Delaporte, le médecin Darluc,
                                                                     (l) Histoire des faïences et porcelaines de Moustiers, Ma-
                          (1) Brochure citée, page 14.             reuls et autres fabriques méridionales, iu-C°, 1 G
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