Page 14 - La Lecture Expressive
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                   Lecture   1  4. Le premier labour du petit Basile

                 f   Le petit Basile est berger chez un fermier lorrain ; Il  accompagne  dans  les
                 1 champs, pour toucher les chevaux, le vieux laboureur Coliche.

                  1.  Ce matin-là, l'enfant et le vieux labouraient la grande pièce des
                Pointières.
                  Coliche pesait sur les  manches de la charrue, tandis que le  petiot
                courait à  grandes enjambées,  faisait claquer son  fouet,  se  penchait
                quelquefois pour enlever une pierre sur le  passage du  coutre. Le sil-
                lon s'allongeait ; le soc coupait la terre et la rejetait. Derrière le pas-
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                sage du fer, la  bonne  glèbe  luisait,  et des  vols  de  corbeaux  s'abat-
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                taient, épiant  les vers et les larves de hannetons parmi les mottes.
                  2.  « Attention, petiot, gare à la borne ! »
                  Le vieux renversa la charrue, et, pendant que Basile tiraii; le cor-
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                deau  et faisait tourner l'attelage au  bout du sillon,  il  cracha dans
                ses mains, souffla et regarda l'enfant en dessous :
                  « A ton tour maintenant! »
                  Basile se récria, n'osant comprendre : « Jamais  il n'aurait la force
                de tenir la charrue! »
                  Coliche insista : « Jamais trop tôt pour bien faire.  »
                  II fallait s'exécuter.
                  3. Le  vieux  chassa  les  chevaux,  qui  s'enlevèrent  d'un vigoureux
                coup  de  reins.  L'enfant enfonça  le  soc.  Il  bandait ses  muscles,  les
                mains  cramponnées  aux  manches  de  frêne  poli,  qui  lui  donnaient
                dans  les  épaules  et  dans  les  avant-bras  des  secousses  terribles.  Il
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                marchait :• la  croupe des chevaux ondulait  devant lui  ; les  colliers
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                de laine bleue égrenaient  leurs sonnailles. Le vieux serait-il content?
                 Un choc ébranla la charrue: une souche, enfouie dans la terre, que le
                soc venait de trancher. Basile se raidit, Lint bon, sentit le glissement
                du fer qui fouillait de nouveau l'argile grasse. Alors, il souilla à pleins
                poumons, tandis que le  vieux arrêtait l'équipage.
                  4.  Coliche se  planta au bout du sillon et promena sur la terre un
                regard satisfait. On ne pouvait pas dire le contraire : ç,a promettait I
                Le sillon s'allongeait tout droit, sans une cassure, creusé à une bonne
                 profondeur.
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