Page 124 - Histoire de France essentielle
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Lectures.              — 118 —          LES TEMPS MODERNES.

                  C’était un voyage de dix jours. Aujourd’hui, quand on veut se rendre
                aux eaux de Vichy, à côté de Bourbon-l’Archambault, on n’y met que
                six heures et demie.
                                                     (Eug. Muller.)


                59e Lecture. — Misère des classes agricoles sous Louis XIV.

                  Ce qui est malheureusement hors de doute, c’est que la condition
                des paysans, pendant tout le règne de Louis XIV, même à l’époque
                qu’on appelle l'époque brillante, ne cessa point d’être misérable. En
                1661,  et surtout en 1662, la famine fut effroyable. A Paris, le prévôt
                des marchands interdit la sortie des grains en mai 1661. 11 fallut un
                arrêté pour faire venir du blé de Vitry-le-François, où l’on voulait le
                garder de force. Colbert en fit venir 2S 000 sacs de Guyenne, En mai
                1662,  on organisa des distributions gratuites de pain aux indigents :
                les plus pauvres furent envoyés à l’Hôpital général. Mais ils ne vou­
                laient pas y entrer, car ils y étaient traités durement ; on les couchait
                trois et souvent quatre dans le même lit; pour les contraindre à y
                venir, la mendicité fut interdite sous peine du fouet et, en cas de réci­
                dive, du bannissement pour les femmes, et des galères pour les hommes.
                En 1662, cet hôpital nourrit 6 262 pauvres; l’année suivante, il était
                tellement plein qu’on ne put recevoir ceux qui demandaient à y en­
                trer.
                  C’était bien pis dans les provinces. Un missionnaire, qui avait passé
                par Mézières et Rocroi, racontait qu’il n’avait jamais vu une telle pau­
                vreté que celle de ces lieux-là. « J’ai trouvé partout, disait-il, un grand
                nombre de pauvres ménages qui meurent de faim. Si quelques-uns
                mangent une fois le jour un peu de pain de son, d’autres sont deux
                et trois jours sans en manger un seul morceau. J’ai trouvé une famille
                à Charleville, composée de huit personnes, qui a passé quatre jours
                sans manger. » La supérieure des Carmélites de Blois s’exprime ainsi :
                « Les pauvres des champs semblent des carcasses déterrées. Quand ils
                tiennent des chevaux, des ânes et autres bêtes mortes et étouffées, ils
                se repaissent de cette chair morte et corrompue. L’on a trouvé une
                femme morte de faim ayant son enfant à la mamelle. Bref, il n’y a
                point de jour où l’on ne trouve des pauvres morts de faim dans les
                maisons et dans les champs. »
                                                      (Maréchal.)
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