Page 7 - Coeurs Vaillants Num 15
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                                                                      F
                                                                       I ■
                                                lire la vie de Fran

              çois Villon.













                                                      L EPITAPHE VILLON




                                                      Frères humains qui après nous vivez,
                                                      N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
                                                      Car, si pitié de nous povres avez,
                                                      Dieu en aura plus tost de vous mercis.
                                                      Vous nous voiez cy attachez cinq, six :
                                                      Quant de la chair, que trop avons nourrie,
                                                      Elle est pieçà dévorée et pourrie,
                                                      Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
                                                      De notre mal personne ne s'en rie ;
                                                      Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

                                                      Si nous clamons frères, pas n'en devez
                                                      Avoir dédain, quoi que fûmes occis
                                                      Par justice. Toutefois, vous savez
                                                      Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis ;
                                                      Excusez-nous, puisque sommes transis,
                                                      Envers le fils de la Vierge Marie,
                                                      Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
                                                      Nous préservant de l'infernale foudre.
                                                      Nous sommes morts, âmes ne nous harie ;
                                                      Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

                                                      La pluie nous a débués et lavés,
                                                     Et le soleil desséchiez et noircis ;
                                                      Pies, corbeaux, nous ont les yeux cavés,
                                                     Et arrachié la barbe et les sourcils.
                                                     Jamais nul temps nous ne sommes assis ;
                                                      Puis çà, puis là, comme le vent varie,
                                                     A son plaisir sans cesser nous charie,
                                                     Plus becquetés d'oiseaulx que dés à coudre.
                                                     Ne soyez donc de notre confrairie ;
                                                     Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

                                                     Prince Jhésus, qui sur tous seigneurie,
                                                      Garde qu'Enfer n'ait de nous la maistrie :
                                                     A luy n'ayons que faire ne que souldre.
                                                     Hommes, icy n'a point de moquerie ;
                                                     Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
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