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L’INDUSTRIE DES SAVONS.                               453


          renferment des proportions d’eau qui va­  ici, et par exception, dans la préparation
          rient entre 46 et 52 pour 100.            des savons mous à base de potasse.

            Un mode de fabrication des savons mous    En Angleterre, on ajoute souvent une cer­
          plus en rapport avec l’état actuel de la science   taine quantité de suif aux huiles qui servent
          a été mis en usage par M. André Lormé,    à la préparation des savons mous. On ob­
          frère de l’auteur du Manuel du Savonnier , que   tient alors un savon transparent, mais qui
          nous avons plusieurs fois cité. L’auteur de   contient de petits grains de stéarate et de
          cet ouvrage décrit en ces termes ce procédé.  margarate solides. Il parait que la prépara­
                                                    tion de ce savon granulé est un des tours de
            « Les matières premières sont l’acide oléique non
          distillé, l’huile de palme et la lessive de potasse d’A­  main les plus difficiles de l’art du savonnier.
          mérique à 25’ Baumé. Voici les proportions les plus
          usitées pour obtenir un savon de qualité supérieure.  S’il faut en croire, M. Léon Droux, qui a
                                                    installé en France plusieurs savonneries, et
               Acide oléique.....................................  400  kilog.
               Huile de palme.................................  100   —  qui a pour lui la théorie et la pratique, c’est
               Lessive de potasse à 25°................... 1,000   —
                                                    en Hollande que se fabriquent avec le plus
            « On opère la fusion des matières grasses à une   de soins les savons mous.
          douce température dans une chaudière de la quan­
          tité de 18 à 20 hectolitres. On ajoute d’abord 500 li­  « Plusieurs usines françaises, dit cet ingénieur,
          tres de lessive à 25 degrés et on soumet le mélange   livrent bien à la consommation industrielle des sa­
          à une douce ébullition. Lorsque les matières sont   vons d’excellente qualité ; mais les savons hollandais
          bien empâtées, on ajoute successivement et par por­  fabriqués avec les huiles de graisses sont plus trans­
          tions de 50 litres à chaque fois le restant de la les­  parents, moins alcalins, d’une plus longue durée de
          sive à employer. On continue à faire bouillir modé­  consommation, et peuvent à juste titre être pris
          rément, et on essaye de temps en temps la pâte par   pour types de savons parfaits. La potasse de Russie,
          les moyens ordinaires. Lorsque le savon est arrivé au   celle d’Amérique, et les soudes anglaises de New­
          point de cuite désiré, on enlève le feu et on le laisse   castle sont presque les seuls alcalis employés en Hol­
          reposer dans la chaudière pendant quelques heures.   lande ; il n’en faudrait pas conclure que ce sont les
          Ce savon est d’une belle couleur jaune; s’il doit être   meilleurs, au contraire. Les huiles de lin addition­
          coloré en vert, on y ajoute une quantité suffisante   nées d’autres huiles végétales et rarement d’huiles
          d’indigo en poudre qu’on y incorpore par une agi­  animales, telles que l’huile de poisson et l’acide
          tation suffisamment prolongée; lorsqu’on a obtenu   oléique, forment la matière grasse. Les savons hol­
          la nuance voulue, on coule le savon dans des ton­  landais sont toujours purs de tous mélanges, et ne
          neaux qu’on a préalablement disposés pour le rece­  contiennent même qu’assez rarement de la ré­
          voir. A Paris, ce savon est ordinairement enfermé   sine (I). »
          dans des tonneaux de la capacité de 100 litres en­
          viron.                                       Les savons mous, c’est-à-dire à base de
            « Le savon ainsi préparé est très-recherché dans
          le commerce. Il est, comme nous l’avons dit, d’une   potasse, entrent, comme nous allons le voir,
          consistance plus épaisse que celui obtenu par la sa­  dans une assez grande proportion, dans la
          ponification des huiles végétales. On en emploie de­  préparation des savons de toilette.
          puis quelque temps des quantités considérables
          pour le désuintage des laines et le blanchissage du
          linge du ménage. Pour ce dernier et récent emploi,   Nous ne terminerons pas ce que nous avons
          il remplace avec avantage le sel de soude ; son ac­  à dire des savons mous, sans émettre une
          tion plus détersive et moins corrosive que celle de   assertion que nous n’avons vue produite par
          ce sel altère beaucoup moins la fibre des matières
          textiles.                                  aucun auteur. Le savon que préparaient les
            « Des proportions de matières employées, on ob­  anciens, le sapo des Romains et des Gaulois,
          tient, en moyenne, 1,250 kilog. de savon, soit un   n’était pas préparé avec des alcalis causti-
          rendement de 250 pour 100 de matières grasses. »

             Comme on le voit, l’acide oléique entre   (1) Annales du génie civil, décembre 1870-1871.
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