Page 455 - Les merveilles de l'industrie T1
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L’INDUSTRIE DES SAVONS.                               451

           traitant par des lessives faibles la vieille   sacs de laine que l’on met à la presse : l’huile
           laine, les recoupes et tous les déchets de drap   suinte à travers les mailles. On la recueille
           qui avaient été soumis à l’action du savon   sur des baquets. Après le suintement et afin
           dans les fabriques. 11 conseillait de jeter ces   qu’aucune partie d’huile ne soit perdue, les
           débris dans une lessive caustique, jusqu’à ce   sacs sont placés entre des plaques chauffées,
           que la lessive ne pût dissoudre davantage de   et soumis à une pression plus énergique.
           corps gras.                                 L’extraction de l’huile contenue dans les
             De nos jours, on a généralisé le procédé   eaux savonneuses, a pris un grand dévelop­
           de Chaptal en l’appliquant aux eaux savon­  pement dans les centres industriels où on
           neuses qui proviennent du dégraissage des   se livre à la fabrication des draps. M. Lormé
           laines par le savon, dégraissage qui s’exécute   dit, dans son Manuel du Savonnier : « Nous
           dans toutes les fabriques de draps. On a   avons vu, sur les frontières de la Prusse,
           seulement remplacé les lessives par les aci­  une fabrique considérable de savon, dont le
           des faibles employés pour décomposer le   travail était uniquement basé sur l’emploi
           savon qui existe dans ces eaux.           des matières grasses extraites des eaux sa­
             M. Houzeau-Muiron, de Reims, a dé­      vonneuses produites par les importantes
           montré par sa propre pratique, qu’on peut   manufactures de Vervins, l’une des villes
           extraire les matières grasses contenues dans   les plus industrieuses et les plus florissantes
           ces eaux, en les traitant par l’acide sulfurique.  de la Belgique. »
             Voici comment on procède à ce curieux     Ce curieux procédé est digne d’être mé­
           recouvrement du savon, qui était autrefois   dité. 11 prouve que les mêmes matières
           perdu dans les eaux de lavage.            grasses peuvent, pour ainsi dire, être trans­
             On conserve les eaux savonneuses dans de   formées indéfiniment en savon, puisqu'il
           grandes cuves de bois blanc doublées en   suffit de séparer les acides gras des eaux sa­
           plomb, et quand on veut en extraire la faible   vonneuses qui ont servi au nettoyage des
           quantité de savon qu’elles retiennent, on y   draps, et de saponifier de nouveau ces aci­
           verse de l’acide sulfurique ou de l’acide   des gras par les lessives caustiques, pour re­
           chlorhydrique, pour saturer complètement   constituer le savon.
           la base alcaline ; cette saturation se fait assez   Ainsi, par cette opération chimique, les
           promptement si l’on a soin de remuer cons­  mêmes acides gras entrent dans le savon et
           tamment le mélange. L’acide sulfurique    en sortent d’une façon continue, et il n’y a
           s’empare de la soude du savon, et les acides   de perdu que l’alcali. Ce roulement indéfini
           gras, oléique, stéarique, margarique, ainsi   d’une matière organique utile, est un des
           rendus libres, se trouvent rassemblés, au bout   plus étonnants résultats de l’industrie con­
           de quelques heures, à la surface de l’eau. On   temporaine.
           les recueille à l’aide d’écumoires, et . on les
           jette dans une chaudière en cuivre, chauffée
           à grand feu.
             Elles s’y divisent en deux couches: celle            CHAPITRE IX
           qui descend au fond de la chaudière n’est
                                                       LES SAVONS MOUS : LEUR COMPOSITION ET LEUR MODE
           qu’un dépôt boueux ; celle qui surnage est
                                                                   DE FABRICATION.
           fluide, limpide, et propre à une saponifica­
           tion immédiate.                             Nous avons dit que les savons durs sont
             Le dépôtboueux contient encore de l’huile,   toujours à base de soude ; les savons mous,
           qu’on en retire en plaçant ce résidu dans des   au contraire, sont toujours à base de po­
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