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L’INDUSTRIE DES SAVONS.                              443


            qu'il ne blanchit pas aussi facilement que les   qui le fait alors entrer dans la catégorie des
            autres. M. Decroos dit que la quantité plus   savons de toilette.
            ou moins considérable de graisse de bœuf    On peut aussi masquer l’arôme désagréa­
            ou de mouton, dont se compose le suif     ble du savon de suif par une addition d’es­
            fondu, fait varier sa qualité. Moins ilyentre   sence de térébenthine.
            de suif de mouton, et plus il doit être ap­
            précié dans la fabrication du savon. C’est   Le suif d’os est d’un emploi très-avanta­
           sous ce rapport qu’il peut être avantageux   geux comme rendement, dans la fabrication
           de se procurerdu suif de Russie. M. Decroos   des savons. D’après M. Lormé, 100 kilo­
           ajoute que le suif qui a une teinte jaunâtre   grammes de ce suif produisent, en moyenne,
           doit être préféré à celui dont la couleur est   165 kilogrammes de bon savon; et, lorsque
           plus blanche. Ces espèces de suif donnent   le suif est de très-bonne qualité, le rende­
           beaucoup de glycérine par leur combinaison   ment atteint 170 kilogrammes.
           avec les lessives alcalines.
                                                           SAVON DE RÉSINE ET SAVON JAUNE.
             Arrivons à la préparation du savon de
           suif.                                        Il y a bien longtemps que les résines ont
             Pour préparer ce savon, on coupe le     pris une large place dans la fabrication des
           suif en morceaux et on en introduit envi­  savons. Poutet disait, dans son Traité des
           ron 900 kilogrammes dans une chaudière    savons publié à Marseille en 1828, que le
           en fer battu. On verse dans cette chaudière   savon que produisent les résines, est d’une
           400 à 450 litres de lessive caustiquefaible   odeur forte, et ne saurait être employé sans
           (lessive de sel de soude à 10"), et l’on a   inconvénient; car le linge ou les mains
           Fempâtage en entretenant une ébullition   qu’on lave au moyen de ce savon, conservent
           modérée, pendant qu’on active la sapo­    un léger enduit de résine. Cependant, de­
           nification en agitant la masse avec un re-   puis l’époque où écrivait l’excellent prati­
           dable.                                    cien, les savonniers français, s’inspirant
             La figure 300 donne l’aspect exact d’une   de l’expérience acquise par les fabricants
           usine des environs de Paris, dans laquelle   anglais, emploient d’assez grandes quantités
           on prépare du savon de suif.              de résine, en la mélangeant avec divers corps
             Le relargage se pratique de la manière   gras. Ils obtiennent, par ce mélange, d’ex­
           déjà décrite pour les autres savons. Mis en   cellents savons, principalement des savons
           contact avec la dissolution du sel marin, le  jaunes, qui sont très-estimés pour les usa­
           savon se contracte, et la séparation s’opère.   ges domestiques; et qui, pour le savon­
           Celle-ci étant terminée, on laisse écouler   nage du linge, donnent une écume forte
           la lessive, et l’on procède à la cuite.   et abondante, même avec l’eau de mer.
             Après quelques heures d’ébullition, on
           augmente le feu ; la lessive en excès acquiert   Voyons d’abord ce que l’on entend par
           plus de densité ; et la pâte suffisamment sa­  résine, au point de vue chimique.
           turée, s’en sépare.                         Les résines sont des matières inflamma­
             On cherche à masquer l’odeur sui generis   bles, grasses et onctueuses, d’une odeur et
           du savon de suif, en mettant dans ce savon,   d’une saveur plus ou moins prononcées,
           pendant qu’il est encore fluide, des arômes   demi-transparentes, d’une couleur jaunâtre,
           agréables, en y versant des essences de   brûlant avec une flamme jaune et une fumée
           thym, de serpolet, de lavande, etc., ce   noire. Elles découlent naturellement de cer-
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