Page 434 - Les merveilles de l'industrie T1
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                    dière, il faut deux chaudières pour la coction |   L’opération de la marbrure, ou madrure,
                    même de cette quantité de liquide. Après le   consiste à disséminer dans la masse du savon,
                    relargage, il faut donc transvaser dans une   les savons ferrugineux et noirâtres (oléate et
                    chaudière vide, le liquide pâteux.        stéarate de fer) que l’on a produits, ainsi que
                      C’est une erreur. La coction s’opère, dans   nous l’avons dit (page 424) vers la fin de l’em­
                    les bonnes fabriques de Marseille, dans la   pâtage, en ajoutant un peu de sulfate de fer
                    même chaudière où l’on a fait Y empâtage.  au liquide de la chaudière. En raison de
                     La coction, on saponification définitive, s’ef­  leur pesanteur spécifique, les savons ferru­
                    fectue par huit à dix services successifs. On ap­  gineux se sont réunis à la partie infé­
                    pelle service l’action de verser sur la pâte une   rieure. L’opération que nous allons dé­
                    soixantaine de cornues de diverses lessives.  crire a pour effet de distribuer ce savon
                      Lorsque le feu est très-actif, il suffit de   noirâtre dans les diverses parties de la
                    quelques heures pour que la saponifica­   masse, et d’y former des veines bleuâ­
                    tion s’accomplisse en entier. On voit la pâte   tres, c’est-à-dire d’y déterminer une mar­
                    se serrer de plus en plus, en abandonnant   brure.
                    de l’eau et en se combinant avec la soude   Si l’on nous demande maintenant à quoi
                    caustique de la lessive : on dit dans les sa­  est bonne cette marbrure du savon de Mar­
                    vonneries que la pâte mange les services. On   seille, nous répondrons qu’elle n’a pas pour
                    continue à l’alimenter par des services suc­  effet unique de plaire aux yeux. Il importe
                    cessifs, jusqu’à ce qu’elle refuse de manger   de savoir que les savons bien préparés et ne
                    les lessives qu’on lui sert, c’est-à-dire jus­  retenant que 30 à 35 p. 100 d’eau se prêtent
                    qu’à ce que la pâte n’absorbe plus la lessive   seuls à cette opération, de sorte que la mar­
                    caustique que l’on ajoute.                brure est le certificat de bonne qualité des
                      Il ne faut pas négliger de dire que chaque   savons. Cette opération est donc loin d’être
                    fois qu’on apporte un nouveau service, il faut   indifférente.
                    commencer par épiner, c’est-à-dire par      On produit la marbrure en perçant la
                    évacuer une quantité pareille de liquide de   masse solide de savon, d’un certain nombre
                    la chaudière, en débouchant le trou qui se   de sillons verticaux. La liqueur du fond de
                    trouve au bas de la chaudière. Les eaux   la chaudière, qui se compose de la masse,
                    qui s’étaient réunies au fond, lorsqu’on a   accumulée en ce point, des savons noirâtres
                    laissé tomber le feu dans l’intervalle qui sé­  à base d’oxyde de fer, s’élève en suivant
                    pare deux services, s’écoulent ainsi au dehors.  ces sillons, et va se répandre de là, dans
                      A mesure que le savon augmente de soli­  toute la masse du savon blanc.
                    dité, la vapeur d’eau résultant de l’évapora­  Quant à l’étymologie de ce mot, quant à
                    tion de la lessive se fait jour à travers la   l’équivalence des mots marbrure et madrure,
                    pâte solidifiée, et détermine des projections   nous dirons, le mot marbrure n’ayant pas be­
                    de savon et de lessive à l’entour de la chau­  soin d’explications, que certains auteurs ap­
                    dière, ce qui oblige les ouvriers à se tenir à   pellent madrure et même madrage, cette opé­
                    l’écart, afin d’éviter les effets de ces projec­  ration, parce que l’ouvrier est obligé, comme
                    tions brûlantes.                          on va le voir, de se placer pour l’accomplir,
                                                               sur un madrier posé en travers de la chau­
                                   MARBRURE.
                                                               dière.
                      C’est quand la coction est terminée que l’on   En ce qui concerne la manière de procé­
                    produit la marbrure, ou madrure, qui carac­  der à cette opération, écoutons un praticien
                    térise le savon de Marseille.             justement autorisé :
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