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Une famille d’Hommes-Obus



                                                   par John Kobler


                e jour de vos vingt et un ans sera évidemment   tenant l’obus humain qui s’avance. Il est vêtu d’une
            L un grand jour, mais si vous vous appeliez        éblouissante combinaison blanche et porte un casque
            Zacchini ce serait encore bien plus sensationnel, car   de cuir et un masque d’amiante. Il monte d’abord sur
            ce jour-là vous serviriez de projectile à un canon !  un plateau placé à côté de l’affût et s’asperge de talc,
              Les Zacchini sont une courageuse famille, des gens   ce qui lui permettra de mieux glisser hors du tube.
            du cirque qui portent fièrement leur titre d’hommes-   Puis, saluant la foule de la main, il monte quelques
            obus. Leur canon est une monstrueuse machine, ruti­  marches jusqu’à la bouche du canon dans lequel il
            lante, équipée d’un tube de 7 mètres de long, et quand   se laisse glisser, les pieds les premiers. Petit à petit, il
            elle pénètre dans l’arène du cirque il se fait brusque­  disparaît tout entier. Le canonnier manœuvre des
            ment un grand silence. Les spectateurs savent qu’ils   volants et oriente l’énorme tube pour l’amener à
           vont assister à une performance si audacieuse qu’ils   l’angle voulu.
           ne pourront jamais l’oublier.                         —  Sei Pronto ? (Es-tu prêt ?) crie-t-il.
             Une sonnerie de cuivres retentit enfin. En boitil­  —  Pronto (Je suis prêt), réplique une voix assour­
           lant, un vétéran de la famille Zacchini traverse la   die qui semble monter des profondeurs de la terre.
           piste et s’approche de l’engin. Il s’est fracturé trop d’os   Le canonnier presse un bouton.
           pour servir encore de projectile, mais il connaît tous   Une formidable détonation retentit. Le canon
           les secrets de ce dangereux métier. Il inspecte le canon,   crache flammes et fumée, et le projectile humain est
           s’assure que rien ne cloche et s’installe au tableau de   projeté vers le ciel. Au sommet de sa trajectoire, il
           commandes.                                          décrit un demi-saut périlleux et, deux secondes plus
             Un roulement de tambour, et dans l’arène c’est main­  tard, atterrit sain et sauf sur le dos, dans le filet



















                                                                               disposé à l’autre extrémité de la
                                                                               piste. Lorsqu’on donne le maxi­
                                                                               mum de puissance, l’homme-obus
                                                                               atteint 30 mètres de haut et atterrit
                                                                               à 60 mètres de son point de départ...
                                                                Comment se fait-il qu’un homme puisse survivre
                                                              à ce brutal et rapide passage dans l’âme d’un canon ?
                                                                En voici l’explication : il se déplace, en fait, à
                                                              l’intérieur d’un piston évidé, qui glisse jusqu’à la
                                                              bouche du canon et s’y arrête au moment où l’obus
                                                              humain est projeté en l’air. Ce piston, qui n’a que
                                                              40 centimètres de diamètre, est tout juste assez large
                                                              pour contenir un homme, mais c’est voulq, car ainsi
                                                              le « projectile » humain risque moins de se heurter
                                                              aux parois au moment de l’éjection.
                                                                Et il y a encore un autre secret. Le canon fonc-
   l
                                                                                                                    /
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