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NEUF FRANÇAIS A LASSAUT DE LANNAPURNA                                   197

      dérable de neige tomba sur eux et les ensevelit.   camp II, car d’un moment à l’autre la mousson
         Etourdis, suffoqués, ils parvinrent pourtant à   allait amener des pluies torrentielles. Les champs
      se dégager. Mais leurs sacs, leur équipement       de neige à demi fondue deviendraient alors des
      et — chose plus grave encore — leurs souliers      pièges mortels. Pour descendre plus rapidement
      étaient restés enfouis sous des tonnes de neige.   les blessés, on les installa sur des traîneaux fabri­
         Pendant plus d’une heure, en chaussettes, ils   qués à l’aide de skis et de grosse toile.
      creusèrent au hasard, avec la frénésie du déses­      Le 10 juin, toute l’équipe se retrquvait au
      poir. Enfin ils retrouvèrent leurs souliers. Il était   camp de base. Allongé sous sa tente, Herzog invita
      temps ! Herzog et Lachenal avaient déjà les pieds   tout le monde à venir vider la seule et unique
      complètement insensibles, et les mains d’Herzog    bouteille de champagne qu’on avait apportée de
      étaient comme des blocs de glace. Terray et        France pour célébrer la victoire. Quand vint son
      Rébuffat, également, avaient subi les atteintes du   tour de boire, ses compagnons durent porter la
      gel. De plus, tous les quatre avaient été à moitié   bouteille à ses lèvres.
      aveuglés, la veille, quand ils avaient ôté leurs      Le lendemain matin, ils furent réveillés par un
      lunettes noires pour trouver leur chemin à tra­    bruit de pluie battante. La mousson était arrivée.
      vers la tourmente de neige.                        Au-dessus d’eux, les blanches murailles de
         Ils étaient égarés. Leurs jambes pouvaient à    l’Annapurna commençaient à se dépouiller de
      peine les soutenir. La lumière crue du jour les    leur neige, entraînée par des avalanches gron­
      obligeait à garder les yeux fermés. Lachenal et    dantes. Ce même jour, ils levèrent le camp. Ils
      Rébuffat se hissèrent à un endroit où l’on pouvait   laissaient derrière eux la montagne, mais devaient
      les voir et se mirent à crier pour appeler à l’aide.   encore connaître un mois de cauchemars.
      Du camp II, à 1 200 mètres plus bas, Ichac les        Après le froid glacial, ils souffraient maintenant
      vit et les entendit. Mais leurs voix, interceptées   de la lourde chaleur tropicale. Les chairs mortes
      par une arête de glace, ne parvinrent pas jusqu’au   des deux éclopés, qu’il fallut porter tout le long
      camp IV, qui n’était pourtant qu’à 200 ou 300      du chemin, répandaient une affreuse odeur, et
      mètres de là. Ils crièrent tous ensemble. Pas de   ils souffraient tant qu’Oudot devait les maintenir
      réponse. Alors ils reprirent la descente, en se    presque constamment sous l’effet de la morphine.
      traînant dans la neige.                               La pluie tombait sans arrêt. Une vapeur trem­
         A 8 heures, ce matin-là, Marcel Schatz quittait   blante montait des terres détrempées. Presque
      le camp IV pour monter au camp V. Quelques         chaque jour, au milieu des essaims de mouches et
      minutes plus tard, il s’arrêtait, frappé de stupeur,   sous les regards curieux des villageois, Oudot se
      en voyant apparaître au-dessus de lui, sur la pente   livrait sur Herzog et sur Lachenal à une pénible
      neigeuse, quatre fantômes vacillants, aveugles,    besogne. Comme il était maintenant certain qu’on .
      infirmes. Il guida leurs pas pour la descente.     ne pourrait sauver les orteils des deux hommes
         Dans la même journée, ils réussirent à rega­    (ni les doigts d’Herzog), le médecin les amputa un
      gner le camp IL Terray et Rébuffat étaient à peu   par un, pour empêcher l’infection de se propager.
      près remis de leur nuit à la belle étoile, mais    Dans la deuxième semaine de juillet, l’équipe
      Herzog et Lachenal avaient les orteils violacés.   atteignit enfin les régions civilisées.
      Chez Herzog, la gangrène s’étendait même jus­         Telle est l’histoire de ces hommes courageux,
      qu’au milieu de la plante des pieds ; ses mains    que Herzog lui-même a racontée dans son livre
      étaient insensibles jusqu’aux poignets. Dans une   Annapurna, premier 8 000. Certains ne verront
      tente étroite et mal éclairée, le Dr Oudot prodigua   peut-être là qu’une folle aventure. Mais elle a au
      ses soins aux deux hommes.                         moins le mérite de prouver qu’il existe toujours
         On ne pouvait rester plus d’une journée au      des êtres prêts à lutter et à souffrir pour leur idéal.



                    Réponses à “ CONNAISSEZ-VOUS CES VÉHICULES ? ”
                                                (Voir page 189.)

           Coach 10, Berline 9, Limousine I, Coupé décapotable 5, Berlinette 2, Cabriolet deux places 8,
           Trolleybus 3, Véhicule articulé 7, Véhicule à benne basculante 12, Fourgon 4, Camion à ridelles 6,
                                           Limousine commerciale II.
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