Page 199 - Album_des_jeunes_1960
P. 199
NEUF FRANÇAIS A LASSAUT DE LANNAPURNA 197
dérable de neige tomba sur eux et les ensevelit. camp II, car d’un moment à l’autre la mousson
Etourdis, suffoqués, ils parvinrent pourtant à allait amener des pluies torrentielles. Les champs
se dégager. Mais leurs sacs, leur équipement de neige à demi fondue deviendraient alors des
et — chose plus grave encore — leurs souliers pièges mortels. Pour descendre plus rapidement
étaient restés enfouis sous des tonnes de neige. les blessés, on les installa sur des traîneaux fabri
Pendant plus d’une heure, en chaussettes, ils qués à l’aide de skis et de grosse toile.
creusèrent au hasard, avec la frénésie du déses Le 10 juin, toute l’équipe se retrquvait au
poir. Enfin ils retrouvèrent leurs souliers. Il était camp de base. Allongé sous sa tente, Herzog invita
temps ! Herzog et Lachenal avaient déjà les pieds tout le monde à venir vider la seule et unique
complètement insensibles, et les mains d’Herzog bouteille de champagne qu’on avait apportée de
étaient comme des blocs de glace. Terray et France pour célébrer la victoire. Quand vint son
Rébuffat, également, avaient subi les atteintes du tour de boire, ses compagnons durent porter la
gel. De plus, tous les quatre avaient été à moitié bouteille à ses lèvres.
aveuglés, la veille, quand ils avaient ôté leurs Le lendemain matin, ils furent réveillés par un
lunettes noires pour trouver leur chemin à tra bruit de pluie battante. La mousson était arrivée.
vers la tourmente de neige. Au-dessus d’eux, les blanches murailles de
Ils étaient égarés. Leurs jambes pouvaient à l’Annapurna commençaient à se dépouiller de
peine les soutenir. La lumière crue du jour les leur neige, entraînée par des avalanches gron
obligeait à garder les yeux fermés. Lachenal et dantes. Ce même jour, ils levèrent le camp. Ils
Rébuffat se hissèrent à un endroit où l’on pouvait laissaient derrière eux la montagne, mais devaient
les voir et se mirent à crier pour appeler à l’aide. encore connaître un mois de cauchemars.
Du camp II, à 1 200 mètres plus bas, Ichac les Après le froid glacial, ils souffraient maintenant
vit et les entendit. Mais leurs voix, interceptées de la lourde chaleur tropicale. Les chairs mortes
par une arête de glace, ne parvinrent pas jusqu’au des deux éclopés, qu’il fallut porter tout le long
camp IV, qui n’était pourtant qu’à 200 ou 300 du chemin, répandaient une affreuse odeur, et
mètres de là. Ils crièrent tous ensemble. Pas de ils souffraient tant qu’Oudot devait les maintenir
réponse. Alors ils reprirent la descente, en se presque constamment sous l’effet de la morphine.
traînant dans la neige. La pluie tombait sans arrêt. Une vapeur trem
A 8 heures, ce matin-là, Marcel Schatz quittait blante montait des terres détrempées. Presque
le camp IV pour monter au camp V. Quelques chaque jour, au milieu des essaims de mouches et
minutes plus tard, il s’arrêtait, frappé de stupeur, sous les regards curieux des villageois, Oudot se
en voyant apparaître au-dessus de lui, sur la pente livrait sur Herzog et sur Lachenal à une pénible
neigeuse, quatre fantômes vacillants, aveugles, besogne. Comme il était maintenant certain qu’on .
infirmes. Il guida leurs pas pour la descente. ne pourrait sauver les orteils des deux hommes
Dans la même journée, ils réussirent à rega (ni les doigts d’Herzog), le médecin les amputa un
gner le camp IL Terray et Rébuffat étaient à peu par un, pour empêcher l’infection de se propager.
près remis de leur nuit à la belle étoile, mais Dans la deuxième semaine de juillet, l’équipe
Herzog et Lachenal avaient les orteils violacés. atteignit enfin les régions civilisées.
Chez Herzog, la gangrène s’étendait même jus Telle est l’histoire de ces hommes courageux,
qu’au milieu de la plante des pieds ; ses mains que Herzog lui-même a racontée dans son livre
étaient insensibles jusqu’aux poignets. Dans une Annapurna, premier 8 000. Certains ne verront
tente étroite et mal éclairée, le Dr Oudot prodigua peut-être là qu’une folle aventure. Mais elle a au
ses soins aux deux hommes. moins le mérite de prouver qu’il existe toujours
On ne pouvait rester plus d’une journée au des êtres prêts à lutter et à souffrir pour leur idéal.
Réponses à “ CONNAISSEZ-VOUS CES VÉHICULES ? ”
(Voir page 189.)
Coach 10, Berline 9, Limousine I, Coupé décapotable 5, Berlinette 2, Cabriolet deux places 8,
Trolleybus 3, Véhicule articulé 7, Véhicule à benne basculante 12, Fourgon 4, Camion à ridelles 6,
Limousine commerciale II.