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DE L’ANNAPURNA





        A la mi-avril 1950, ils se mirent en route, par­
     tant de la frontière du Népal. Des porteurs et des
     bêtes de somme étaient chargés des quatre tonnes
     de vivres et de matériel. Loin devant eux s’éle­
     vaient les plus hautes montagnes du monde.
        Pendant des jours et des jours, la longue cara­
     vane se fraya lentement un passage à travers la
     jungle, puis traversa un vaste plateau dénudé.
     Enfin, la haute muraille de l’Himalaya se dressa
     devant eux, et le sommet de l’Annapurna leur
     apparut dans les brumes lointaines.
        Mais entrevoir ce sommet et parvenir à sa base,
     c’étaient deux choses bien différentes ! Les
     quelques cartes dont ils disposaient ne leur ser­
     vaient à rien. Les Népalais des vallées ne savaient
     pour ainsi dire rien de ces hautes terres qu’ils
     croyaient habitées par des dieux et des démons. Il
     fallait trouver rapidement un chemin. Le seul
     moment de l’année où l’on peut tenter l’escalade
     de ces cimes est la brève période entre la font»
     des neiges et le début de la mousson d’été. Cettt
     année-là, on annonçait la mousson pour le début
     de juin. Et l’on était déjà à la fin d’avril !
        Après avoir contourné l’Annapurna, les alpi­    Lionel Terray, dans un extrait de son journal :
     nistes constatèrent que leur seule chance de succès   « Au camp III. — Mes deux porteurs et moi,
     était de l’attaquer par son flanc nord-ouest. Ils   nous avons passé une nuit terrible, car je n’ai pu
     rassemblèrent donc tout leur matériel au pied du   trouver la seconde tente, que l’on pensait avoir
     glacier nord-ouest. Devant eux se dressait une     laissée ici dans un sac. Le pire, ce furent Ges
     muraille de 3 000 mètres : une muraille de neige,   avalanches qui n’ont cessé de rouler toute la nuit,
     de glace, d’arêtes et de précipices ! Et maintenant,   à droite et à gauche de l’unique tente dans
     on n’était plus qu’à trois petites semaines de la   laquelle nous nous étions empilés. »
     mousson !                                             Avant qu’on ait pu établir le camp suivant, le
        Il fallut tout d’abord établir sur le flanc de la   temps commença à se gâter. Des nappes de brume
      montagne une série de camps. C’était un travail    franchissaient les crêtes de la montagne, et tous
     épuisant.                                           les soirs il neigeait. Herzog dut avouer : « Tous
        Le camp I fut établi sur le glacier inférieur,   mes efforts seront inutiles s’il ne cesse pas de
      à 600 mètres au-dessus du pied de la montagne ;    neiger pendant deux jours au moins. »
     le camp II à 750 mètres plus haut. Puis, tandis       Heureusement, la neige s’arrêta. Le vent tomba,
     que ses compagnons continuaient à s’occuper du      le soleil perça les nuages et, sur les étincelantes
     chargement, Herzog atteignit le champ de neige      murailles de glace, les hommes recommencèrent
      dominant le glacier et choisit l’emplacement du    à monter et à descendre. Ils établirent le camp IV
      camp III, à 6 400 mètres d’altitude.               à 6 900 mètres, au faîte d’un immense cirque de
        Le temps se maintenait au beau. L’ascension      rochers qui soutenait les neiges du sommet. Au
      ne présentait aucune difficulté sérieuse. Le prin­  même moment, au camp de base, on apprenait
      cipal danger était constitué par les avalanches qui   par la radio que la mousson avait déjà atteint
      dévalaient le flanc de la montagne avec un         Calcutta.
      grondement de tonnerre. Voici ce qu’en dit           Les grimpeurs avaient, la plupart du temps,
                                                Adapté de Life                                      195
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