Page 28 - aux_armes_N6
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                                                                                          fond de la vallée et atteint, après trois
                                                                                          heures de marche, le bas des pentes qui
                                                                                          mènent au col en haut desquelles sont
                                                                                          des tranchées ennemies.
                                                                                            Jusqu’ici c’était une simple promenade
                                                                                          de tout repos. Ici le danger commence.
                                                                                          On enlève les peaux de phoque pour pou­
                                                                                          voir, le cas échéant, effectuer une re­
                                                                                          traite rapide... Mais la lune est encore
                                                                                          là qui éclaire trop crûment les champs
                                                                                          de neige. Il faut attendre son coucher.
                                                                                          Silencieusement, les hommes se dissi­
                                                                                          mulent dans la neige, leur volonté ten­
                                                                                          due pour résister à l’engourdissement fa­
                                                                                          tal du froid.
                                                                                          A 20 MÈTRES DES BOCHES.
                                                                                            L’ombre protectrice est enfin revenue.
                                                                                          Un geste du chef, et la patrouille se met
                                                                                          en marche dans la formation prévue.
                                                                                          L’Adjudant-Chef B... part le premier ;
                                                                                          pendant une pause il a étudié le terrain
                                                                                          pour profiter au maximum des plus fai­
                                                                                          bles dépressions- Les hommes suivent.
                                                                                          Dans leurs survêtements blancs, ils sont
                                L'AUXILIAIRE INDISPENSABLE, LE CHIEN, EST HARNACHÉ
                                                                                          pratiquement invisibles, mais le plus lé­
                                                                                          ger bruit se répercutant dans le silence
                                                                                          absolu de la nuit, leur serait fatal.
                                                                                            La montée continue lentement, sans
                                                                                          faux-pas, sans une erreur. Soudain, après
                                                                                          une dernière bosse, on voit le col. Il est
                                                                                          là, à moins de 100 mètres, se détachant
                                                                                          sur l’horizon plus clair du cie1.
                                                                                            Deux groupes armés ’e fusils-mitrail­
                                                                                          leurs vont, se mettre en batterie sur les
                                                                                          crêtes environnantes, tandis que deux vo­
                                                                                          lontaires vont s’approcher le plus pos­
                                                                                          sible des tranchées.
                                                                                            L ennemi n’est pas alerté. Rien "n’est
                                                                                          venu déceler la présence des Français.
                                                                                          Mètre par mètre les deux éclaireurs pro­
                                                                                          gressent vers le col. Ils en sont tout près,
                                                                                          20 mètres..., 15 mètres, quand ils voient
                                                                                          bouger quelque chose. Il devient presque
                                                                                          impossible d’aller plus loin sans se faire
                                                                                          repérer.
                                                                                            Soudain, en face, l’alerte est donnée.
                                                                                          Des commandements retentissent en alle­
                                                                                          mand. Nos deux hommes entendent le
                                                                                          cliquetis des armes automatiques. Alors,
                                                                                          pour prendre congé ils balancent chacun
                                                                                          une grenade dans la tranchée, font demi-
                                                                                          tour et foncent dans la descente sous une
                                                                                          grêle de balles traceuses qui zèbrent la
                                                                                          nuit de leurs trajectoires lumineuses.
                                                                                           Nos F.M. ripostent rageusement, puis
                                                                                          décrochent l’un après l’autre.
                                                                                            A ce moment, l’Adjudant-Chef donne
                                                                                          l’ordre de lancer une fusée. A ce signal
                 Photo» S. C. A.                                         Correspondant CADIN
                                     LA MARCHE D’APPROCHE DANS LA FORÊT                   les mortiers doivent tirer d’en bas sur
                                                                                          les positions allemandes. La fusée part
                                                                                          en sifflant, mais que se passe-t-il Le
                                                                                          signaleur est-il devenu fou?... s’épanouit
                enfuies en débandade et ramasser leurs   Patrouille de nuit à 20 mètr,es des bo­  là-haut blanche, aveuglante, projetant
                morts.                               ches...                               une lumière de sunlight sur les pentes
                  Mais dès que l’un se montre, les balles                                 et sur les éclaireurs qui ne savent com­
                l’encadrent. Alors, ils ne réagissent plus.
                A ce moment, réglé par radio, un tir de   FRONT DES ALPES.                ment se dissimuler. L’angoisse et la rage
                                                                                           les étreint ; ils vont se faire tirer comme
                mortier tombe sur les tranchées du col                                    à la cible, se faire descendre comme des
                et sur le poste d’où sortaient de nom­  Au P.C. de la Demi-Brigade on avait   lapins.... ; mais non, le feu cesse sou­
                breux Allemands alertés par le tir de la   exprimé le désir de savoir si tel col fron­  dain, car les boches ne comprenant pas,
                mitrailleuse.                        tière, à 2.600 mètres d’altitude, était te­  se sont eux aussi planqués au fond de
                  Pour ceux de chez nous, la mission est   nu par les Allemands pu des Italiens.
                terminée. Le coup de main a réussi au   Le Col ... se trouve dans le secteur du   leurs trous. Et avant qu’ils aient réalisé,
                                                                                           les obus de mortier arrivent, serrés, re­
                delà de tous les espoirs. L’ennemi se   Ne Bataillon de Chasseurs Alpins, dont   marquablement précis, protégeant la re­
                souviendra longtemps de cette alerte   la Section d’Eclaireurs-,Skieurs se vit
                d’autant plus qu’il n’a pu déceler l’ori­  confier (cette délicate mission. L’Adju­  traite de la patrouille qui put, à la lueur
                gine des tirs qui lui tombaient dessus.  dant-Chef B... commandait la patrouille.   de ce feu d’artifice involontaire, rega­
                  Les pièces rapidement démontées, nos   Il choisit pour l’accompagner quelques   gner sans encombre l’abri de la forêt
                éclaireurs du sommet, après une descente                                   et, de là, le fond de la vallée...
                en rappel de corde rejoignirent rapide­  skieurs parmi les meilleurs, presque tous   Renseignements pris, il s’agissait d’une
                ment le gros de la patrouille, au bas de   des Grenoblois, dont les noms ont figuré   erreur impossible à parer, une fusée
                la Grande B...                       maintes fois en bonne place sur les pal­  éclairante, mal étiquetée, se trouvait dans
                  De là au P.C., ce fut dans une pou­  marès des grandes compétitions de skis.  un lot de fusée de signalisation. Mais,
                dreuse neige excellente une descente   Départ à minuit. La colonne progresse   malgré la température de — 20 degrés,
                agréable et sans histoire.           rapidement sans bruit, quasi invisible, au   nos gars avaient eu chaud...
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