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I
fond de la vallée et atteint, après trois
heures de marche, le bas des pentes qui
mènent au col en haut desquelles sont
des tranchées ennemies.
Jusqu’ici c’était une simple promenade
de tout repos. Ici le danger commence.
On enlève les peaux de phoque pour pou
voir, le cas échéant, effectuer une re
traite rapide... Mais la lune est encore
là qui éclaire trop crûment les champs
de neige. Il faut attendre son coucher.
Silencieusement, les hommes se dissi
mulent dans la neige, leur volonté ten
due pour résister à l’engourdissement fa
tal du froid.
A 20 MÈTRES DES BOCHES.
L’ombre protectrice est enfin revenue.
Un geste du chef, et la patrouille se met
en marche dans la formation prévue.
L’Adjudant-Chef B... part le premier ;
pendant une pause il a étudié le terrain
pour profiter au maximum des plus fai
bles dépressions- Les hommes suivent.
Dans leurs survêtements blancs, ils sont
L'AUXILIAIRE INDISPENSABLE, LE CHIEN, EST HARNACHÉ
pratiquement invisibles, mais le plus lé
ger bruit se répercutant dans le silence
absolu de la nuit, leur serait fatal.
La montée continue lentement, sans
faux-pas, sans une erreur. Soudain, après
une dernière bosse, on voit le col. Il est
là, à moins de 100 mètres, se détachant
sur l’horizon plus clair du cie1.
Deux groupes armés ’e fusils-mitrail
leurs vont, se mettre en batterie sur les
crêtes environnantes, tandis que deux vo
lontaires vont s’approcher le plus pos
sible des tranchées.
L ennemi n’est pas alerté. Rien "n’est
venu déceler la présence des Français.
Mètre par mètre les deux éclaireurs pro
gressent vers le col. Ils en sont tout près,
20 mètres..., 15 mètres, quand ils voient
bouger quelque chose. Il devient presque
impossible d’aller plus loin sans se faire
repérer.
Soudain, en face, l’alerte est donnée.
Des commandements retentissent en alle
mand. Nos deux hommes entendent le
cliquetis des armes automatiques. Alors,
pour prendre congé ils balancent chacun
une grenade dans la tranchée, font demi-
tour et foncent dans la descente sous une
grêle de balles traceuses qui zèbrent la
nuit de leurs trajectoires lumineuses.
Nos F.M. ripostent rageusement, puis
décrochent l’un après l’autre.
A ce moment, l’Adjudant-Chef donne
l’ordre de lancer une fusée. A ce signal
Photo» S. C. A. Correspondant CADIN
LA MARCHE D’APPROCHE DANS LA FORÊT les mortiers doivent tirer d’en bas sur
les positions allemandes. La fusée part
en sifflant, mais que se passe-t-il Le
signaleur est-il devenu fou?... s’épanouit
enfuies en débandade et ramasser leurs Patrouille de nuit à 20 mètr,es des bo là-haut blanche, aveuglante, projetant
morts. ches... une lumière de sunlight sur les pentes
Mais dès que l’un se montre, les balles et sur les éclaireurs qui ne savent com
l’encadrent. Alors, ils ne réagissent plus.
A ce moment, réglé par radio, un tir de FRONT DES ALPES. ment se dissimuler. L’angoisse et la rage
les étreint ; ils vont se faire tirer comme
mortier tombe sur les tranchées du col à la cible, se faire descendre comme des
et sur le poste d’où sortaient de nom Au P.C. de la Demi-Brigade on avait lapins.... ; mais non, le feu cesse sou
breux Allemands alertés par le tir de la exprimé le désir de savoir si tel col fron dain, car les boches ne comprenant pas,
mitrailleuse. tière, à 2.600 mètres d’altitude, était te se sont eux aussi planqués au fond de
Pour ceux de chez nous, la mission est nu par les Allemands pu des Italiens.
terminée. Le coup de main a réussi au Le Col ... se trouve dans le secteur du leurs trous. Et avant qu’ils aient réalisé,
les obus de mortier arrivent, serrés, re
delà de tous les espoirs. L’ennemi se Ne Bataillon de Chasseurs Alpins, dont marquablement précis, protégeant la re
souviendra longtemps de cette alerte la Section d’Eclaireurs-,Skieurs se vit
d’autant plus qu’il n’a pu déceler l’ori confier (cette délicate mission. L’Adju traite de la patrouille qui put, à la lueur
gine des tirs qui lui tombaient dessus. dant-Chef B... commandait la patrouille. de ce feu d’artifice involontaire, rega
Les pièces rapidement démontées, nos Il choisit pour l’accompagner quelques gner sans encombre l’abri de la forêt
éclaireurs du sommet, après une descente et, de là, le fond de la vallée...
en rappel de corde rejoignirent rapide skieurs parmi les meilleurs, presque tous Renseignements pris, il s’agissait d’une
ment le gros de la patrouille, au bas de des Grenoblois, dont les noms ont figuré erreur impossible à parer, une fusée
la Grande B... maintes fois en bonne place sur les pal éclairante, mal étiquetée, se trouvait dans
De là au P.C., ce fut dans une pou marès des grandes compétitions de skis. un lot de fusée de signalisation. Mais,
dreuse neige excellente une descente Départ à minuit. La colonne progresse malgré la température de — 20 degrés,
agréable et sans histoire. rapidement sans bruit, quasi invisible, au nos gars avaient eu chaud...