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colonne de fantômes blancs qui se con de patrouille et une dizaine d’éclaireurs
FRONT DES ALPES. fondent avec le pâle reflet de la neige encordés se lancent à l’assaut de la ci
« Allez les gars... debout, c’est l’heure. et s’évanouissent rapidement dans la me, emportant la mitrailleuse. Les cor
Habillez-vous vite. On part dans 20 mi nuit. dées s’engagent dans le rocher puis dans
nutes... » les couloirs de glace où il faut, po ir pas
On a beau avoir été prévenu la veille, ser, tailler des marches avec îe piolet.
avoir tout préparé, s’être familiarisé SKIEURS ET ALPINISTES. A midi, le sommet est atteint et la mi
avec l’idée de cette expédition — pour la Le jour est venu. Le froid s’est fait trailleuse aussitôt installée. La ligne
quelle tous les hommes sont volontaires plus âpre et plus mordant. La plus haute frontière est immédiatement en dessous.
— il n’en est pas moins dur de se lever cime de la vallée s’est colorée de mauve, A l’œil nu, gardant le col de R..., on dis
à 3 h. 1/2 du matin par une nuit glaciale est devenue rose puis rouge, et le soleil tingue des tranchées allemandes et plus
de janvier à 2.000 mètres d’altitude. est arrivé. Dans le fond du vallon la co loin on devine les baraquements du poste.
La grange qui abrite la section de l’As- lonne marche toujours. Tout est blanc :
pirant P... n’est certes pas très confor hommes, skis, bâtons, traîneaux, armes. LA FOUDRE QUI TOMBE DU CIEL...
table mais du moins il y fait chaud, aussi Il faut, si l’on ignore leur existence, une
la perspective de marcher pendant huit attention extrême ou un coup du hasard A peine installé, un des observateurs
heures doit trois de nuit, n’est pas très pour les découvrir. pousse une exclamation : à 400 mètres
encourageante. A 10 heures, l’Aspirant P... ordonne plus bas, sur la route qui dessert les po
Seulement, quand l’objectif sera atteint une halte : la marche d’approche est ter sitions ennemies, il a aperçu un convoi
— à plus de 3.000 mètres — qu’est-ce minée, on est à pied-d’œuvre et l’esca muletier qui monte du ravitaillement.
que le boche va prendre ! Cette idée-là lade va commencer. Les conducteurs et les hommes de l’es
secoue les hommes et vingt minutes après Un énorme rocher bouche la vallée : corte, au nombre d’une trentaine, chemi
ils sont tous là, fins-prêts, au lieu de la Grande B... dont le sommet dépasse nent tranquillement. Us ont « tombé la
rassemblement. Les skis sont chaussés. 3.000 mètres. C’est là-haut qu’il s’agit veste » et bavardent entre eux en toute
Le froid fait adhérer aux mains dégantées d’aller et de hisser la mitrailleuse, tan quiétude. Soudain la foudre s’abat sur
l’acier des fixations. Il gèle très fort, la dis que le mortier et ses servants s’arrê eux. La mitrailleuse est entrée en action
nuit est claire mais sans lune. teront à un col plus bas. Chaque groupe et tire à plein régime. Une pluie de balles
Six hommes amènent un traineau sur emporte un appareil de radio pour éta tombe sur les Allemands qui fuient affo
lequel ils chargent un mortier et des blir une liaison constante. Les traîneaux lés, se mettre à l’abri. Une dizaine des
obus. Plus loin, sur un autre traineau sont abandonnés et les hommes se char leurs sont restés sur place, ainsi que des
plus petit, on fixe une mitrailleuse et gent des pièces. C’est un poids de 20 ou mulets.
des caisses de cartouches. 25 k’iogs que certains devront monter Frappés de stupeur et incapables de
La neige est damée sur le chemin, jusque là-haut... discerner d’où viennent les coups, ils se
les peaux de phoques « cramponnent » Pour éviter toute surprise les cols voi « planquent » pour laisser passer l’orage
et à l’heure prévue les 40 gars de cette sins et les points de passage sont occu puis essaient de sortir de leurs trous
forte patrouille s’en vont en une longue pés par les fusils-mitrailleurs. Le chef pour regrouper leurs bêtes qui s’étaient
TOUT EST BLANC... ET IL N'EST PAS COMMODE DE REPÉRER L'ENNEMI