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Cheillon,  le  col  Floray,  nous parvenons dans la  nuit à la  poin-
             te  de  Chanrousse.  La  neige  tombe.  Nous  n'avons  pas  mangé
             depuis  deux  jours.  Nous  sommes  à  2.000  mètres  d'altitude.
             Résignés,  nous  nous  étendons  dans  la  neige  les  uns  contre
             les  autres.
                Le  lendemain,  dans  une  éclaircie,  nous  nous  apercevons
             que  nous  avons  franchi  la  frontière  suisse.  Nous  trouvons
             enfin  un  chalet,  et  quelques  heures  plus  tard  les  soldats
             suisses  viennent  à  notre .rencontre.
                Nous  avons  caché  nos  armes  et  nos  munitions,  et  le
             23  mai,  après  avoir  récupéré  ce  précieux  chargement,  nous
             redescendons  vers  la  France  continuer  le  combat.  Le  6  juin,
             nous  sommes  aux  Dames  du  Moulin,  lorsque  nous  voyons
             monter  vers  nous  le  commandant  de  la 9°  compagnie.  II  nous
             crie  quelque  chose  que  nous  ne  comprenons  pas  tout  en  fai-
             sant de  grands  gestes.  Arrivé  près  de  nous,  il  nous  embrasse
             et  nous  nous  embrassons  tous.  Les  Alliés  ont  débarqué ...  »
                Rappelons  que,  pendant  la  retraite  du  groupe  Maurice
             Blanchard sur  Ubine  et  Fontaine,  les  Allemands  faisaient  une
             expédition  sur  Bernex  le  20  mai.  Trois  patriotes,  Joseph
             Buttay,  Paul  Seydoux  et  Ferdinand  Roch  trouvaient  la  mort
             des  mains  des  sinistres  SS.  Non  contents  de  leurs  crimes,
             les  boches  pillaient  et  incendiaient  l'hôtel  du  Midi,  dont  la
             propriétaire,  compagne  de  notre  ami  Buttay,  une  grande
             Française, fournissait une  aide héroïque et inlassable aux  ma-
             quisards  depuis  le  printemps  1943.
                Bonne-sur-Menoge,  9  juin  1944.  Vers  1  h.  du  matin,  la
             famille  Baud  est  réveillée  par  une  douzaine  d'individus,  avec
             des  foulards  rouges  et des  chapeaux  de  feutre  usagés,  qui  se
             font  passer  pour  des  maquisards.  Ils  sont  armés  de  Lebel  36
             et  de  mitraillettes  anglaises.  Ils  expliquent  qu'ils  viennent
             chercher  les  deux  frères  Baud  faisant  partie  du  groupe
             F.T.P.  de  Bonne  pour  aller  faire  un  coup  de  main  contre
             l'ennemi.
                Sans  méfiance,  le  père  de  famille  conduit  les  inconnus
             vers ses fils  qui  couchaient  par prudence  dans  une  autre  mai-
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