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                  eaux des Pyrénées, et qu’elle atteste par   détournait de ce lit de matière organique.
                  sa présence, pour ainsi dire, le rôle qu’elle   La théorie d’Ossian Henry, défendue par
                  a joué dans la sulfuration de l’eau.M. Filhol   M. Filhol, compte aujourd’hui beaucoup de
                  s’appuie sur cet autre fait, que les eaux les   partisans. Elle explique victorieusement
                  plus sulfurées sont les moins riches en sul­  l’origine du soufre dans les terrains de
                  fates, ainsi que l’avait remarqué Ossian   transition et les terrains modernes, mais
                  Henry— sur la quantité assez forte de sulfure  } elle est plus difficile à accepter pour les
                  qui se forme lorsqu’on abandonne ces eaux,  | eaux sulfurées sodiques, qui sortent des
                  après les avoir chauffées, dans des bouteilles   terrains primitifs, terrains exempts de toute
                  bien bouchées ; — enfin sur ce que les    matière organique. A moins d’admettre que
                  eaux thermales non sulfurées qui se ren­  l’eau ne soit minéralisée fort loin de son
                  contrent dans le voisinage des eaux sulfu­  point de sortie, il est certain que ce fait
                  rées, paraissent dépourvues de matières   met en défaut la théorie d’Ossian Henry.
                  organiques et sont sulfatées.                MM. Pelouze et Frémy croient que la
                    M. Filhol rapproche la formation des     minéralisation des eaux sulfureuses est due
                  eaux minérales sulfurées de celle des pyrites   à la décomposition du sulfure de silicium
                  de fer et de cuivre.                       par l’eau, ce qui paraît peu probable.
                    Fontan, avons-nous dit, désignait les eaux   M. Boussingault pense que l’acide sul-
                  sulfurées calciques sous le nom d'eaux     fhydrique des eaux minérales provient de
                  sulfureuses accidentelles, réservant le nom   la réaction mutuelle de la vapeur d’eau et
                  d'eaux sulfureuses naturelles pour celles des   du sulfure de sodium à une haute tempé­
                  Pyrénées et autres qui sourdent des ter­  rature, réaction dont le résultat serait la
                  rains granitiques. Mais si, comme le pré­  production de sulfate de soude et d’acide
                  tendent Ossian Henry, Filhol et d’autres   sulfhydrique.
                  hydrologistes, les eaux sulfureuses sodiques   D’autres chimistes supposent que l’acide
                  sont minéralisées de la même manière,     sulfhydrique' résulte surtout de l’action de
                  c’est-à-dire proviennent du sulfate sodique   l’eau sur les pyrites de fer.
                  décomposé par des matières organiques, la   M. Jules Lefort explique la présence de
                  dénomination d'eaux accidentelles proposée   l’acide silicique dans les eaux minérales
                  par M. Fontan n’a aucune raison d’être.   sulfureuses par une réaction des acides sulf­
                    Ossian Henry démontra directement la    hydrique et sulfureux sur les silicates natu­
                  formation du principe sulfureux dans l’eau   rels, analogue à celle qu’exerce l’acide car­
                  d’Enghien, par une expérience remar­      bonique sur les mêmes silicates.
                  quable qui consiste à mettre du sulfate de   En résumé, les eaux minérales sulfureu­
                  chaux en contact avec de l’eau et des ma­  ses contiennent du monosulfure de sodium
                  tières organiques, à l’abri du contact de   ou de calcium, soit pur, soit combiné à l’acide
                  l’air : il se forme ainsi du sulfure de cal­  sulfhydrique, et formant du sulfhydrate de
                  cium. Mais lorsqu’on a détruit par la cha­  sulfure de sodium ou de calcium, ou bien
                  leur ces matières organiques, la sulfuration   ces deux produits, mélangés d’un excès
                  ne se produit plus.                       d’acide sulfhydrique. C’est une difficulté
                    Plusieurs faits confirment la vérité de   vraiment inextricable, au point de vue chi­
                  cette théorie. On a vu à Bagnères-de-Bi-   mique, que de déterminer dans quel rapport
                  gorre, une source sulfatée devenir à volonté   précis de combinaison ou de mélange sont
                  sulfureuse ou non, suivant qu’on lui faisait   ces trois composés dans une eau sulfureuse
                  traverser un banc de tourbe ou qu’on la   donnée. Et non-seulement on ne peut dire
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