Page 114 - La Lecture Expressive
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54 Comment Renard
Lecture
mangea du poisson en hiver
1. C'était au temps de l'hiver. Renard était dans son logis, fort
dénué de provisions. Il sortit pour chercher aventure, et il s'assit
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le long d'une route près d'une haie, tendant le cou de tous côtés
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pour voir s'il ne lui arriverait pas quelque aubaine •
Il vit, de loin, s'avancer une charrette conduite par deux mar-
chands qui venaient de la mer et rapportaient des poissons ...
2. Quand Renard les vit, il s'éloigna par des chemins détournés
et vint, loin devant eux, se coucher au milieu de la route après
s'être bien roulé dans la terre fraîche d'une prairie. Il se donnait
l'air d'un mort, les yeux clos, k lents serrées, retenant son haleine.
Le premier des marchands qu; • :Jperçut dit à son compagnon :
« Voilà un chien ou un goupi,
- C'est un goupil, cria l'auL1·.: ; Jescends vite, prends-le.; gare
qu'il ne t'échappe ! »
Tous deux s'élancent -et arrivent à Renard, qui, étendu sur le
dos, ne bouge pas. Ils le retournent de tous côtés, estimant son dos
et sa gorge :
« Il vaut bien trois sous 4, dit l'un.
- Bah! dit l'autre, il en vaut au moins quatre : vois comme la
gorge est belle et blanche. Mettons-le sur notre charrette ... »
3. Ainsi parlaient-ils, mais Renard ne faisait qu'en rire. On
l'avait jeté sur le ventre, par-dessus les paniers. Tout doucement,
il en ouvrit. un avec- ses dents et en tira bien trente harengs, qu'il
mangea de grand appétit, sans y demander sel ni sauce.
Puis il ouvrit le panier d'à côté, et, y fourrant son museau, en
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tira trois colliers d'anguilles • JI y passa sa tête et son cou, et les
fit glisser sur son dos. Il ne s'agissait plus que de descendre ; il
s'agenouilla pour bien choisir son moment, puis s'avança un peu,
et enfin se lança des pattes de devant au milieu de la route, portant
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son butin à son cou.
4. Une fois en bas, il cria aux marchands :