Page 138 - Histoire de France essentielle
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Lectures. — 130 — LES TEMPS MODERNES.
67e Lecture. — Statuts de quelques corporations.
( Voir Lecture 24, page 56.)
Les cordonniers ne pouvaient travailler à toute heure, ni employer
toute espèce de cuir. Les savetiers ne pouvaient raccommoder un sou
lier de manière qu’il redevint neuf de plus d'un tiers.
Malheureux, plus malheureux menuisiers! Ils ne pouvaient donner
un coup de scie ou de rabot, sans attirer sur eux l’attention des jurés
de la corporation. Ceux-ci trouvaient-ils un meuble qui n’eût pas les
dimensions fixées par les statuts, qui fût de vieux bois, qui eût de
larges nœuds, ils le faisaient dépecer sur-le-champ et brûler devant la
porte, aux acclamations des badauds qui n'avaient jamais assez de feux
de joie. Voyaient-ils de la lumière dans un atelier, après le couvre-feu
sonné, ils se faisaient ouvrir ; si ce n’était ni pour l’évêque, ni pour les
princes, ni pour les morts que l’artisan travaillait, et s’il n’avait pas
eu soin de fermer portes et fenêtres, il était sévèrement tancé et,
comme conclusion, mis à l’amende.
11 en était de même du barbier. Les jurés de la compagnie ne ces
saient de rôder autour de sa boutique. Ils venaient visitei- ses pots et
ses outils et le mettaient à l’amende si, passé midi, ils trouvaient en
core dans les bassins le sang des saignées. Les dimanches et fêtes, il
fallait chômer, car, en vertu d’un ordre de l’autorité épiscopale, il
était interdit de raser et de saigner, sauf pour quelque seigneur. Le
malheureux barbier, ces jours-là, devait dépendre ses bassins et ses
enseignes. Se faisait-011 orfèvre, mêmes ennuis, mêmes entraves.
(Monteil, Histoire de France des divers États.')
68e Lecture. —Les enseignes de Paris au dix-huitième siècle
(fig- Ia3)-
Au dix-huitième siècle, Paris était loin de posséder ces rues larges
et claires que vous lui voyez aujourd'hui. Point de ces coquets éta
blissements qui charment le passant par la grâce et la clarté attirante
de leur enseigne peinte que tout le monde peut lire à distance.
A cette époque les enseignes pendaient à de longues potences de fer,
de sorte que l’enseigne et la potence, dans les grands vents, menaçaient
d’écraser le passant de la rue. Quand le vent soufflait, toutes les
enseignes, devenues gémissantes, se heurtaient et se choquaient entre
elles, ce qui composait un carillon plaintif et discordant, vraiment
incroyable. De plus, elles jetaient, la nuit, des ombres si larges, qu’elles
rendaient nulle la faible clarté des lanternes. Ces enseignes avaient,
pour la plupart, un volume colossal. Elles donnaient l’image d’un
peuple gigantesque : on voyait une épée de six pieds de haut, une botte
grosse comme un muid, un éperon large comme une roue de carrosse,
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