Page 118 - Histoire de France essentielle
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Lectures. 112 LES TEMPS MODERNES.
Le commandant français annonça à près d'un demi-million d’êtres
humains qu’il leur accordait trois jours de grâce, et que dans ce délai
ils avaient à déguerpir. Bientôt les routes et les champs, alors couverts
d’une neige épaisse, furent noircis par les innombrables multitudes
d’hommes, de femmes et d’enfants fuyant loin de leurs toits condam
nés. Beaucoup moururent de froid et de faim; mais il en survécut
assez pour remplir les rues de toutes les villes de l’Europe de men
diants décharnés et en haillons, qui avaient été autrefois des fermiers
ou des marchands heureux. L’œuvre de la destruction commença,
les flammes s’élevèrent de tous les marchés, de toutes les églises, de
toutes les maisons de campagne, dans les provinces vouées à la dévas
tation. Les champs où l’on avait semé du blé furent labourés. On
abattit les arbres des vergers. On ne respecta ni les palais, ni les
temples, ni les monastères, ni les hôpitaux, ni les œuvres de l’art, ni
les tombes des hommes illustres. Le célèbre château de l’Électeur pa
latin fut réduit en cendres, l'hôpital voisin saccagé, les approvisionne
ments mêmes de la pharmacie, les lits sur lesquels étaient couchés les
malades, détruits complètement. (Macaulay.)
55e Lecture. — Résultats du règne de Louis XIV.
Les nombreuses guerres, la construction du château de Versailles,
les fêtes somptueuses de la cour, les prodigalités de toutes sortes ont
épuisé les ressources du pays. Le peuple, ruiné par les impôts, meurt
de faim ; « le dixième de la population est réduit à la mendicité et
mendie effectivement ».
La noblesse, le clergé, sans influence dans le gouvernement, re
cherchent les faveurs du roi qui règne en maître sur les volontés et
sur les caractères. La bourgeoisie occupe diverses administrations ;
mais pendant tout ce long règne rien n’est fait pour la masse du tiers
état, c’est-à-dire pour le peuple, que les privilégiés traitent avec le plus
gi and dédain, à l’exemple du roi, d’ailleurs. Un jour, Louis XIV casse
sa canne sur le dos d’un valet qui avait dérobé un biscuit; mais, un
autre jour, insulté par un duc, il jette sa canne par la fenêtre pour ne
pas frapper un homme de qualité. L’historien grand seigneur qui rap
porte ce fait ajoute : « C’est peut-être la plus belle action de sa vie. »
Dans un édit, Louis XIV qualifie les roturiers de « gens d’une naissance
ignoble », c’est-à-dire basse, infâme.
L’excès du mal détachait peu à peu ce peuple de la royauté et l’ame
nait à se préoccuper de l'établissement d’un autre gouvernement plus
respectueux des droits de chacun. A son insu, Louis XIV conduisait le
pays à la Révolution de 1789.