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forte constitution, il n’a jamais essuyé dans sa vie que
deux maladies, l’une à Saint-Domingue, dont le cli
mat était alors très contraire aux Européens, et une
attaque d’apoplexie, quinze ans avant sa mort; mais,
ni cette attaque, ni son âge avancé n’avaient altéré
son enjouement, ni affaibli son esprit, qu’il a conservé
jusqu’au dernier moment.
« Son caractère noble et ferme, sans orgueil, ne
' pouvait se plier au manège et à l’intrigue ; jamais il
n’eut l’esprit d’être courtisan ; aussi a-t-il eu peu de
part à la faveur. Nous avons observé que son mérite
fut peu récompensé. Il fut bon mari, bon père, bon ami
et bon citoyen : on l’a vu plusieurs fois s’affliger en
apprenant qu’on accueillait des projets qu’il croyait
contraires au bien de l’Etat, ou qu’on faisait des dé
penses ruineuses ou inutiles. Il était très attaché au
corps du génie, qui le considérait et qui s’honorait d’un
tel officier. A l’entendre, on eût été tenté de l’accuser
d’un peu d’égoïsme, mais il parlait de lui comme il eût
parlé d’un autre, et se citait pour s’en estimer davantage.
« Il mourut le 16 octobre 1773, emportant les re
grets de tous ceux qui le connaissaient et de ses deux
filles, mariées l’une et l’autre avec des officiers de la
marine; l’une avec feu M. Coatudavel, mort lieute
nant de vaisseau et chevalier de Saint-Louis : il a
laissé plusieurs enfants; l'autre, avec M. Grenier, ac
tuellement lieutenant de vaisseau et membre de l’Aca
démie de Marine : celle-ci est la plus jeune ; elle a
toujours demeuré avec son père : elles lui ont prodi
gué l’une.et l’autre les soins les plus assidus, etm’ont
cessé, jusqu’à son dernier soupir, de lui donner des
preuves de leur tendresse.