Page 3 - Coeurs Vaillants Num 31
P. 3
rs
CŒURS VAILLANTS (29-7-34) ■■ ■ .................... 1 ' '■ — ±'-1 1 ................................ (243) 3
>
>
■
lue
ai s
et
ON Georges ! c’est vrai, qu’il nage portes et s’écrase sur les poutres de la marinier qui a repris son calme. Des cou Georges qu’il voyait dépérir... comme sa
ro- comme un canard, c’est un petit ca charpente : vertures et de l’eau chaude. Fais comme mère, revient à la vie un peu plus cha
lui M nard » — Au secours, crie le marinier cram moi, femme ! que jour... seulement, ces jours d’espoir
ut, Telle avait été la déclaration faite par ponné aux débris, la barque coule... ma Et, tandis que Mathieu s’affaire à je vont bientôt cesser. La gabare est ren
me le père du gamin, Mathieu, l’éclusier de femme, mon gosse ! ter un fagot sur les tisons, allume la flouée, son avant réparé. Elle va repren
ra Scarpone, sur le canal de la Moselle. Et Mathieu, dégrisé par la catastrophe, a grosse lampe, apporte couvertures et co- dre le cours de ses voyages... et Mme Gil
de l’esprit moqueur des Lorrains, ne man déjà sauté dans son bachot et accoste la quemar plein d’eau bouillante, Gilbert et bert avec elle, tandis que Georges et son
pas quant pas cette occasion de s’exercer, gabare d’où une femme, un bébé dans sa femme arrachent les vêtements glacés Î'ère devront s’en aller, quelque part, bien
raille à présent le malheureux garçon en les bras, sort précipitamment de la ca du bébé et de Georges. oin peut-être, chercher leur existence,
ne l’appelant plus que « P’tit canard » ! bine, saute dans le canot, tombe sur le l’éclusier, déclaré responsable de l’acci
înt Plongeant des serviettes dans l’eau fu
Georges a beau avoir de bons poings bord... et, à demi assommée, lâche son pré mante, ils frictionnent sans arrêt les pe dent, étant révoqué à la fin du mois.
et du courage plein le cœur, il échoue de cieux fardeau qui s’engloutit dans l’eau Cela, Gilbert le sait, sa femme aussi.
me vant la masse des élèves de l’école qui noire. tits corps transis où le cœur faiblit.
ne La peau rougit sous le révulsif, le sang
l’enserre bien souvent en chantant à tue- — Mon Dieu ! cria la femme qui veut
tête : se jeter à la rivière. circule plus vite, la chaleur anime les
— P’tit canard ! P’tit canard ! — Malheur ! hurle le marinier qui membres raidis. Bébé et garçon revien
?e- Cependant, trop fier pour se plaindre, grimpe au sommet de l'écluse, tiens-la, nent à la vie et s’agitent en gémissant sous
CLI- l’enfant n’a jamais fait part à son père Mathieu, elle ne sait pas nager. la morsure de l’eau chaude.
lin. des tourments que sa vantardise lui cause. Plouf ! a fait « P’tit canard » sans — Vite au lit avec une boule d’eau
us. Certes, élevé au bord de l’eau, n’ayant se soucier si l’eau est glacée et bien qu’il chaude au pied, ordonne le marinier. Et
une boisson brûlante à chacun !
Cela, la maman s’en charge, tandis que
les deux hommes se regardent, très émus.
tu — Alors, dit le marinier, on est encore
)US
ennemis ?
— Non ! Gilbert, je te dois la vie de
iar- mon fils...
tré-
— Qu’est-ce que tu dis ? C’est pour
et
»ns sauver le mien que ton « P’tit canard »
a risqué la sienne dans cette eau glacée
où il pouvait rester !
via
— Oui ! mais c’est moi qui ai causé
cet accident par ma négligence, et mon
nés
Jus petit voulait réparer ma faute. Je l’ai bien
ap- compris. Je ne suis pas quitte envers toi.
Tu n’as plus de demeure par ma faute, tu
)er-
out es chez toi ici.
ÿue « Petit canard » vient de paraître, tenant d’une main le bébé. — C’est entendu, intervient la femme.
rte- Je m’installe chez vous jusqu’à ce que les
jamais eu peur d’elle, le fils de 1 éclusier ait une forte fièvre qui l’oppresse et le enfants soient guéris. Mais nous non plus
a appris à nager en même temps qu à cou fait tousser. ne sommes pas quittes envers vous ! — Maman Gilbert ! Maman !
Le père, tenant la femme d’un bras,
ou s rir. H est de première force en l’un comme godille vite versTle tourbillon où son Geor C’est ainsi que Georges, bien soigné
rais en l’autre de ces sports. par Mme Gilbert, échappe à la terrible et ils s’en inquiètent. Cela, Georges l’a de
VO Oui ! mais « P’tit canard » est bien ges s’agite. pneumonie que le médecin, amené par viné.
— Ah ! font ensemble la femme et
MIS malade en ce mois de février. Il donne l’éclusier, craignait de voir se déclarer, à Un soir, comme elle vient d’allumer la
ler- beaucoup d inquiétude à son papa, déjà les deux hommes, car « P’tit canard » la suite du bain glacé. lampe, dans la salle du bas, Mme Gil
vient de paraître tenant, d’une main, le
ois suffisamment chagriné par la mort de sa bébé, mais nageant péniblement, comme à Bien mieux, depuis qu’une femme, une bert voit « P’tit canard » qui, accoudé
me femme, emportée par une « mauvaise bout de souffle et de forces. maman, lui Répare ses repas, il a bon près de la fenêtre, pleure à gros sanglots,
bronchite » au début de 1 hiver ! appétit, lui qui ne pouvait avaler qu’avec sans aucun souci de cacher son chagrin.
Deux bras forts le saisissent au mo
« P’tit canard » tousse et ne peut plus ment où il perd connaissance. La terre difficulté la soupe grossière cuisinée par Son cœur est violemment ému par cette
aller à l’école, par les mauvais temps de est si proche que, tandis que la gabare le père. grande douleur.
février. Il garde la maison où il s occupe, s’échoue en travers du courant, les deux Il dort de bonnes nuits dans un lit aux — Pourquoi pleures-tu ? demande-t-elle
de son mieux, à remplacer la maman ab hommes, la femme portant les deux en draps bien blancs à côté du berceau où à l’enfant.
sente, tandis que le père travaille à l’écluse... fants, gagnent le bord, pénètrent en trombe repose son petit ami, le bébé qu’il a ar — Parce que vous allez nous quitter.
ou s’en va se distraire au cabaret le plus dans la maison de l’éclusier. raché à la mort. ie serai tout seul avec papa qui m’aime
proche de Dieulouard. — De la lumière, du feu, ordonne le Mathieu ne peut en croire ses yeux. Son ien, mais qui devra travailler et ne pourra
Or, tous les après-midi, une gabare pas me soigner comme vous... alors « P’tit
à moteur sonne de la trompe pour obtenir canard » mourra !
le passage, car elle transporte la fonte — Que dis-tu, petit fou ! Je ne veux
des usines de Pompey, que les fonderies ON NE PENSE PAS A TOUT pas de cela !
de Pont-à-Mousson transformeront en
— Impossible de faire autrement.
tuyaux et plaques.
— Au contraire, répond le marinier qui
Et, tous les après-midi, le marinier se vient d’entier, tenant Mathieu par le bras.
querelle violemment avec l’éclusier qui, at Il est nécessaire de faire autrement. C’est
tablé au café, lui fait attendre l’éclusage d’ailleurs très simple. J’ai déclaré à ]a di
pour le plaisir de terminer sa partie de
rection des Hauts fourneaux que je ne
cartes.
pouvais, seul, manœuvrer un bateau aussi
Cela, « P’tit canard » le sait bien, mais lourd, et que je ne voulais plus de femme
il n’ose plus en parler au père, ni tenter ni d’enfant à bord. On m’accorde un ma
d’ouvrir lui-même les portes de l’écluse. telot... et j’ai embauché Mathieu. Ça te
Le souvenir des taloches reçues l’en em va, Mathieu ?
pêche
— Bien sûr ! mais mon Georges, que
Justement, aujourd’hui, comme la jour vais-je en faire ?
née s’achève, la gabare, lourdement char — Georges ? Encore plus simple ! La
gée, fait entendre le « flac flac 2> de son
femme va s’installer à terre, à Pont-à-
moteur Diesel... et le père est encore parti M. Bonaras est au bord de la mer. ...qui se trouve là et où il aura de Mousson, avec les gosses, qui ne peuvent
avec ses fidèles amis de cabaret. La chaleur est suffocante ; aussi, notre l'ombre pour faire sa sieste. Après
touriste va attacher son hamac à un avoir fixé solidement son hamac à plus se séparer... Alors, on vivra en fa
La trompe sonne vigoureusement, mais appontement... deux poteaux... mille, si ça te plaît ?
le feu rouge de l’écluse reste fixe maigre — Moi ! Moi ! mais c’est trop beau,
les appels... le père n’est pas encore re vous sauvez mon petit. C’est vous qui
venu ! avez voulu cela, madame Gilbert, n’est-
Déjà les jurons du marinier, furieux, re ce pas ?
tentissent dans l’air glacé et puis, tout à
coup, le silence règne, tandis qu’un appel — Vous voyez bien, monsieur Mathieu,
s’élève : déclare la mère dévouée, que j’avais rai
— Mathieu ! Mathieu ! fils du dia son, l’autre jour, de vous dire que nous
ble, ouvre donc !... mon moteur est en n’étions pas quittes !
panne... je vais enfoncer l’écluse ! A peine cette simple, mais sublime af
Affolé par cette menace, Georges sort firmation est-elle faite que Mme Gilbert
en courant de la maison juste à temps en reçoit la récompense.
pour apercevoir le marinier qui tente d ar En entendant ces promesses d’un ave
rêter la gabare à l'aide d’une gaffe, tan nir de bonheur, Georges s’est glissé au
dis que le père, cramponné à ses leviers, près d'elle et l’embrasse en lui murmurant
s’efforce de hâter la manœuvre d’ouver doucement, bien doucement :
Tout à coup, il sent une fraîcheur
ture de l’écluse. ...il se couche et ne tarde pas à s’en qui le réveille. Hélas ! M. Bongras — Maman Gilbert ! Maman ! ! !
dormir d'un sommeil réparateur et à
Un formidable craquement retentit... et ronfler comme un sonneur. avait oublié qu’à cette heure-là la mer
l’avant du chaland enfonce les volets des montait... Quel bain I Commandant Else.
