Page 2 - Coeurs Vaillants Num 31
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                          “Atchi” Cœur de Lion







                              RESUME               se réveille, n’est plus qu’une atroce déchi­  la peau sensible, ricane Aurelius... Ce sera   protestations d’amitié. H n’y a plus que
                 ' Un jeune Africain de treize ans, Clau-   rure... Ah ! c’est facile à dire, tout souf­  bien autre chose tout à l’heure !  deux complices liés par leur crime, mais
                  dius, surnommé Atchi, srest révolté contre   frir ! mais sa chair proteste, elle trem­  On l’entraîne jusqu’à la salle où brûle   qui n’ont l’un pour l’autre que haine et
                  Kalliklès, son pédagogue, c’est-à-dire son
                  professeur, parce que çeiui-ci l’avait répri­  ble ! Les « Tout-Puissants » vont le tor­  le brasier, on lie ses poignets à l’anneau   mépris !
                  mandé.                           turer encore... 1! ne se sent plus le cou­  scellé dans la muraille.  Cependant, la vieille négresse s’est appro­
                   Il se sauve de la maison paternelle :                              — Et maintenant, lias étrivières 1
                  après avoir erré dans la campagne afri­  rage de leur résister...                                   chée du mort et gémit tout bas sur lui
                  caine, il est reconnu et emmené par Liben­  Alors; au lieu de raisonner, il prie, il   Et le supplice de la veille recommence.  tandis que Caïus. fasciné, reste debout,
                  tius, le plus ricl<ie patricien de la région,  supplie son Seigneur mort sur la Croix   Les deux hommes sont trop occupés   occupé à le contempler. Ses yeux ont une
                  gui le conduit elles un ami, le puissant   de lui donner le courage de souffrir, de  à guetter chez le supplicié le moindre si­  expression poignante dé tristesse, d’admira­
                  Aurelius.
                   Après quelques jours d’une vie facile et   mourir s’il le faut    gne de lâcheté, pour observer Caïus qui.   tion, de remords... Entend-il la querelle de
                  luxueuse, ils veulent le reconduire chez   « Jésus, rendez-moi fort, héroïque  pâle comme un linge, les yeux dilatés, re­  Libentius et d’Atirelius ? Ce n’est pas
                  ses parents, mais en cours de route ils   comme nos martyrs africains... »  garde Atchi se tordre sous la souffrance.
                  lui proposent la visite d’une caverne mys­                                                          sûr !
                  térieuse. L’enfant accepte et se laisse con­  Il se rappelle tout ce qu’on lui a ra­  Quant à la vieille négresse, elle s'est re­  Soudain, plusieurs personnes entrent
                  duire, par un dédale de souterrains, jus­  conté d’eux.            tirée dans le coin le plus obscur de la ca­
                  qu’à une pièce voûtée; dans des coffres   « Saint-Cyprien... qui eut la tête cou­  verne et pleure en se bouchant les oreilles   dans la salle.
                  de bois d’ébène, des diamants, des émerau­                                                            — Qu’y donc, Libentius ? dit une
                  des scintillent de mille feux...                                         pour ne pas entendre les cris du
                    Mais après quelques minutes, les deux                                  martyr.                    femme très belle, mais dont l'œil noir ne
                  hommes révèlent à l’enfant ce qu’ils atten­                                Enfin, Libentius arrête Canis­  révèle aucune douceur
                  dent de lui: ils veulent l’obliger à faire
                  mourir un pauvre bébé nègre qu’on entend                                 sor.                         Libentius sursaute.
                  pleurer non loin de là.                                                   — Atchi, continuerons-nous ?  — Ah ! te voilà ! Livia ! Et toi. Pe-
                   Atchi refuse. Libentius le fait frapper
                  par un esclave.                                                            — Jésus ! A mon secours, je   tronius ? Nero, Caro, salut à vous ! Excu-
                   Puis tous l'abandonnent dans son ca­                                    meut s ! soupire Atchi, et il   sez-moi. Je vous ai convoqués en vain.
                  chot.                                                                    tombe en syncope.          •Tout est manqué par la faute d’Aurelius.
                    La vieille négresse qui garde la caverne
                  vient le trouver et lui donne à boire. Cela                                A la hâte, Libentius le délie.   — Menteur ! clame Aurelius.
                  lui semble bon. car la fièvre le brûle.                                  En vain, on glisse du vin entre   D’un geste autoritaire Livia l’arrête.
                    Atchi regrette maintenant sa fugue.
                                                                                           ses lèvres violacées, le vin dé­  — Oh ! ne hurle pas ainsi, Aurelius, tu
                    « Quelle joie tu auras à enrichir ta no­                               gouline entre ses dents serrées,   nous casses les oreilles ! Expliquez-nous
                  ble famille, ton père, tes sœurs... C'est                                le cœur ne bat plus !      plutôt ce qui s’est passé.
                  merveilleux, je t’assure ! Adieu, Atchi,                                   — Il est mort, dit Libentius   — Eh bien, dit Libentius, le jeune gar­
                  j’espère que bientôt nous serons amis                                    avec colère... Je t’avais prévenu,   çon que j’avais enfin trouvé, était chré­
                  pour toujours, j’éprouve pour toi beau­                                  Aurelius, que ce supplice _ serait   tien; tu sais combien ils sont braves et
                  coup de sympathie... Adieu... »                                          au-dessus de ses forces déjà, af­  obstinés ! Pour le décider, nous l’avons
                   Atchi se retrouve dans l’obscurité, seul                                faiblies depuis hier. Ce n’était   supplicié... il en est mort !
                  avec lui-même... Plus que les menaces, les                               qu’un enfant. Nous sommes bien   Les magnifiques yeux noirs de Livia
                  paroles persuasives de Caïus le troublent...                             avancés maintenant que tout est   lancent des éclairs.
                                                                                           perdu !... Mais il fallait du sang
                    Alors que Libentius et surtout Aurelius                                                             — Oh- ! que vous êtes stupides, hommes
                  ne lui inspirent plus quTiorreur et dégoût,                              et des cris pour satisfaire tes   que vous êtes ! Nous sommes perdus
                  Caïus, malgré son crime, l’attire, car il                                instincts .de bourreau !   maintenant... Ne pouviez-vous pas m’ap­
                  ;s’est laissé séduire par l’espoir de relever                              — Si je suis un bourreau, toi   peler ? J’aurais trouvé des mots plus per­
                  sa famille, de marier ses sœurs, de combler                              tu n’es qu’un lâche, une crapule,   suasifs que les verges pour venir à bout
                  son père et sa mère. Sa conscience est faus­                             une femmelette vautrée dans   d'un enfant de cet âge ! Fous ! Fous que
                  sée parce qu’il a été élevé dans le paga­                                l’or. Ignores-tu que j’en sais   vous êtes. Et qu’allons-nous faire, mainte­
                  nisme. mai» il a wwe générosité naturelle,                         o - assez sur toi pour te faire expé­  nant ?
                  qui, bien dirigée, pourrait faire de lui un                              dier par le prêteur dans les   Libentius a un geste de découragement.
                  homme juste.                                                             mines (i) jusqu'à, ton dernier   — Ah ! dit Livia, c’est tout ce que vous
                    C’est cela qu’a senti Atchi et qui lui plaît                           jour !                     imaginez pour nous tirer de ce mauvais
                  en Caïus, mais cette sympathie devient                                     Aurelius est déchaîné ! Un   pas ? Il ne reste qu’une solution ! Evo­
                  pour lui la source d’une véritable tenta­  va chercher les boucs, Canissor !  chapelet d’ignobles injures   quons la puissance du mal et tâchons
                  tion.                                                                    s’échappe de sa bouche tordue,   d'obtenir d’Elle un délai. Allons, va cher­
                    Le crime, fait pour de si beaux motifs,  pée... oui, mais Cyprien était un évêque   toute la grossièreté de sa nature éclate.   cher les boucs, Canissor ! Choisis les trois
                  lui paraît presque louable.      et un homme sûr... ce n’est pas la même   Sous les insultes, Libentius s’est re­  plus beaux surtout..; et toi, Niania, ranime
                    Peu à peu, il se laisse aller à imaginer  chose... tandis que Salsa... Salsa qui avait   dressé ! Il a un peu pâli mais son visage   ce feu et un peu vite, n’est-ce pas ?
                  les heureuses conséquences du crime qu'on   quatorze ans comme moi... Une faible, une  exprime le plus orgueilleux mépris et
                  lui propose : il rentre chez lui, chargé de  timide jeune fille ! elle jeta à bas de son   quand enfin Aurelius s’arrête à court d’épi­  (A suivre.') M.-L. Ventteclaye.
                  richesses... il invente quelque fable pour   socle la statue de l’immonde idole de Ti-  thètes infamantes, Libentius sourit et
                  expliquer cette étonnante fortune.  pasa : le Dragon...            raille d’un ton glacial.
                    La maison paternelle est reconstruite,   Les adorateurs du Dieu la piétinèrent,   — Si c’est en ces termes que tir me dé­  les charades de
                  embellie, les salles sont pavées de mosaï­  déchirèrent son corps à coups d'ongle puis  nonces au préteur, il sera certainement
                  ques, les esclaves circulent entre les co­  ils la précipitèrent du haut des rochers   très impressionné !... Il ne me reste plus   FRANBEL
                  lonnes de marbre... son père se rend au   dans la mer... et voici qu’une vague s’éleva   qu’un espoir ! De noble race lui-même, il
                  forum suivi d’une foule de clients... ses   très haut, au-dessus des autres, pour rece­  accordera peut-être plus de crédit aux pa­  tj'64 ûvèc ôei luLtô mon Jir-errTzr rta£
                  sœurs épousent, l’une, le riche Lfvinius,   voir le corps de .la petite sainte, tandis  roles d’un patricien comme moi qu’à celles   rrùjùdz éluariX cru/crà. mon Second U
                  l’autre, Straticus quelle trouve si beau !  que se déchaînait un orage effroyable !...  d’un petit-fils d’esclave...  mon toivlr omj&a de. -E'axtoag&|
                    Mais tout à coup la conscience d'Atchi   La porte tout à coup s’ouvre. Canissor,   Rien ne pouvait offenser davantage Au­  — -Je Trouvé Ôanô maldorv.__ I
                  sort de son engourdissement. Horreur !   puis Libentius et Aurelius paraissent.  relius que ce rappel de la vérité. Il écume   l)-65.On.-iOzUx l-vor deMui mon un K
                  A quoi songe-t-il ? A devenir un crimi­  — Alors, Atchi, dit Libentius, qu’as-tu   de rage... son visage est d'un rouge vio­  l9n. -tomSe étant; mon deux,. On. !
                  nel ! Et pour de l’argent ! Lui, un chré­  décidé ? Refuses-tu toujours de nous   lacé... Il hurle, le poing près de la figure   enfbnct danô mon. -tnovô. U -tort on U
                  tien, étranglerait un enfant innocent ?  aider... de nous sauver ?  de Libentius toujours impassible, de nou­  dd que mon tout marcRe à recuÉnM
                    Lui, le fils des vaillants rois numides   — Oui, répond sourdement Atchi.  velles insultes, de nouvelles menaces... Li­  h|'66 lorjqa'on ôe couhe avbc mon [memto-n
                  achèterait la gloire, non de son sang brave­  — Fort bien, s’emporte Aurelius; tu   bentius, de temps en temps, par une raille­  filon iecondetk. Lun cri de. dou&ur
                  ment versé en des combats au grand so­  nous le paieras, affreux gosse ! chien ! fils   rie, attise sa colère. Evanouies les fausses  iff]on tout fwnt el toûMfianavt ô'admire 5
                  leil mais par une action basse, commise   de chien ! Canissor ! Attache-lui les mains                 , VOIR SOLUTIONS SUR 1
                  en cachette dans les entrailles de la terre ?  le long du corps.     (1) Les niïnes : on enfermait dans les   Le crayon qui parle...
                    Etrangler un bébé ! Non ! mieux vaut   Cette simple opération arrache des gé­  mines les condamnés aux travaux for­  ... en charades ”
                  tout souffrir ! Au même instant, il fait   missements à Atchi.     cés. Jamais plus ils ne remontaient à la   GRAPHITE £T COULEURS
                  un mouvement : aussitôt, tout son corps   — Ah ! Ah ! il paraît qu’on a encore   lumière du soleil.
                                                           U OM       DÊB!R©UBILLÂRO











                      Me Lang, I’avocat bien   faire, le soin qu’il aura à   — Monsieur, lui dît le   Une heure après, il se   dit-il. Vous êtes, je le vois,   pas mal pour la prochaine
                     connu, vient de prendre   apporter aux œuvres   lendemain matin ce do­  décide à aller jeter un   un débrouillard. Vous   fois.
                     un nouveau valet de   d’art qui encombrent son   mestique zélé, il ne reste   coup d’œil dans son ap­  avez trouvé de la cire ?  Jamais M° Lang n’é­
                     chambre muni des meil­  salon : tableaux, statuet­  plus de cire pour frotter.  partement et constate que   — Parbleu ! j’ai fait   prouva pareille fureur, et
                     leurs certificats et qui pa­  tes et notamment un char­  — Ah ! mon ami, s’écrie   les parquets brillent   fondre un peu ce buste.   ce débrouillard de valet
                     rait assez intelligent.  mant buste en cire du   Mc Lang, débrouiliez-vous,   étonnamment. Il félicite   Comme Monsieur peut le   de chambre n’a jamais pu
                      Il lui indique immédia­  XVIIh siècle.    je ne veux pas être dé­  son domestique.   constater, je n’en ai pas   s’expliquer son renvoi im­
                     tement ce qu’il aura à                     rangé quand je travaille 1  — Mes compliments, lui  pris beaucoup : il en reste  médiat.
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