Page 176 - Bouvet Jacques
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           trèrent chacun  chez  so~ sous  le  poids  de  l'exécration  pu-
           blique.
             Carlin Maxit, fils  d'un notaire et.déjà notaire lui-même,
           futur héritier de trois  à  quatre cent mille livres  de fonds,
           ne se  borna pas à  l'exploit précité : il  fit  détenir sa  sœur
           en  prison  pendant cinq  ou  six  mois,  fit  monter  trois  fois
           les archers pour saisir et incarcérer sa mère, fit appeler son
           père au district dans le dessein de le faire mettre à l'ombre~
           Après la défaite des  Piémontais, deux officiers  savoyards ►
           désirant rejoindre· leur drapeau, se préparaient à  passer en
           Valais pour se rendre à Turin. Carlin Maxit les voit passer
           et les oblige à entrer chez lui. Bientôt, il vomit un torrent
           d'invectives  et d'outrages  contre le  tyran  sarde ;  les  offi-
           ciers  lui rappellent leur  convention  de  ne point parler dc-
           politique.  Celui-ci  redouble  ses  propos  outrageants et fait
           un signe mystérieux à un domestique d'aller lui quérir un
           certain séide.  Les  hôtes se  crurent perdus, et l'un deux se
           lève,  détache  un  des  fusils  tout armés,  qui  décoraient la
           paroi,  et le  décharge  à  bout  portant  dans  la  poitrine  de
           Carlin,  qui  tcmba  mort  et  que  l'on  enterra  patriotique-
           ment,  avec  une  pipe  à  la  bouche.  Tout le  pays  se  sentit
           soulagé  et  les  deux  émigrants  passèrent  en  Valais,  sans
           être  molestés.
             Quant à son complice Châtillon, qui avait livré le prêtre
           aux  soldats,  il  continua  son  terrorisme contre les  prêtres
           et les  soldats réfractaires.  Après  la chute de  Robespierre,
           il fut recherché et poursuivi à son tour. Il réussit à s'échap-
           per.  Sa fortune  disparut; il a  vécu .jusqu'à  quatre-vingt-
           quinze ans, pour voir sa famille s'éteindre avant lui, dans
           les  afflictions et la misère ; il  a conservé jusqu'au bout ses.
           instincts sanguinaires, isolé au centre d'un cercle élargi par
           l'horreur. La religion l'a visité dans ses derniers moments.
           Etranger à Saint-Paul, il y a été le premier et le dernier de
           sa race.  Il n'y reste de lui que sa mémoire, portant le sceau.
           de  l'anathème.
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