Page 175 - Bouvet Jacques
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            des  soldats ; il  arrive ventre à  terre,  s'oppose  à  ce  que Je
            détenu  soit  relâché ;  ordonne  au  commandant  de  le  tra-
            duire  incessamment  à  Thonon,  sous  peine  d'en  rendre-
            compte corps  pour corps. Ainsi fut fait, et le confesseur fut
            amené  dans  la  maison  d'arrêt  de  Thonon,  pendant  la
            nuit du 20  au  21  février.
              Maxit eut une crainte : peut-être que personne ne vou-
            dra reconnaître ce calotin pour prêtre ; il faut des témoins
            qui  déposent  de  cette  qualité.  Là-dessus,  il descend  lui-
            même de  grand matin, le  21, passe à  Saint-Paul, où  il va.
            s'entendre  avec  le  monstre  qui  l'avait livré ;  ils  descen-
            dent ensemble à Thonon et tous les deux vont déposer que
            le nommé Vernaz est bien réellement prêtre. Sans cette dé-
            position, il n'était pas fusillé;  car personne n'avait voulu.
            le  reconnaître,  pas  même  aucun  des  administrateurs  du
            district ni aucun membre des  jacobins, qui pourtant tous
            le connaissaient, soit pour avoir été condisciples de collège,
            soit  pour  l'avoir  vu  en  ville  pendant  ses  études  ou  son
            vicariat  de  Fessy.
              Sur la déposition des deux témoins, M. Vernaz fut fusillé
            le 22 février 1794. « D'après toutes les lois révolutionnaires
            •  publiées  jusqu'alors, M.  Vernaz devait être condamné à
            •  la déportation seulement.  Nous  ne savons  pas pourquoi
            •  le tribunal de Thonon l'a condamné à mort, ni pourquoi
            •  il n'a pas laissé au moins vingt-quatre heures entre l'ar-
            •  restation  et  la  condamnation.  •  (Mémoires,  p.  163.).
            Voilà  comment Son  Eminence juge ce  jugement.
              Il  paraît que,  après  la  déposition  des  deux  terroristes,.
            qui invoquaient le décret d' Albitte du 30 janvier précédent
            et  qui  rappelaient  d'ailleurs  que  ce  calotin  fanatisait  le
            Haut-Chablais  et la  municipalité de sa  commune,  le  tri-
            bunal fut pris d'une terreur qui ne lui laissa ni la liberté ni
            le  temps  de  faire  aucune  procédure juridique.  Du moins,.
            il n'en reste  au  greffe  aucune trace.  On  trouve seulement
            dans les archives de la Municipalité que, le 6 ventôse an II
            (24  février  1794),  il  a  été accordé  «  un mandat  de  quatre
             • livres et cinq sous, sur les revenus de l'hôpital, au nommé
            •  Cullau,  enterreur, pour lui et ses  collègues, pour l'inhu-
             •  mation  d'un  prêtre  Justicié  en  cette  commune,  le  4  de
             •  ce mois (22  février).  •
               Les  deux  prêtrophobes  repassèrent  la  Dranse  et  ren-
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