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mions  allemands  sont  là.  Bientôt  toute  cette  jeunesse  de  chez
           nous,  insouciante  et  téméraire,  connaîtra  son  martyre.  Nous
           empruntons  la  suite  du  récit  au  rapport  d'un  des  rares  sur-
           vivants:
              « En  un  clin  d'œil,  les  boches cernent la  maison  et postent
           des  mitrailleuses  aux  quatre coins.  Ils  se  sont faufilés  le  long
           des  haies  et  montent  lentement  à  travers  les  vergers.  La
           neige  assourdit  leurs  pas.  A  l'intérieur,  personne  ne  se  doute
           de  rien.  Tout  à  coup,  de  rauques  hurlements  s'élèvent,  des
           coups  de  feu  crépitent.  Comme  une  meute  enragée,  les  sou-
           dards  allemands  font  irruption  dans  la  salle.  Dans  un  der-
           nier  couac,  l'accordéon  tombe  sur  le  sol.  Entourés,  brutalisés,
           danseurs  et  danseuses  se  regardent,  atterrés.  L'officier  qui
           commande  le  détachement  demande  alors  où  sont  les  armes.
           Les  armes ?  Personne  ne  comprend.  Les  coups  de  crosse  qui
           pleuvent ne pourront les faire sortir:  il  n'y en a  pas.  On fouille
           partout.  Rien.
              « Alors,  nous  allons  vous  fusiller  ! »  Et  en  file  indienne,
           ies  jeunes  gens  sont  dirigés  vers  le  couloir  qui  conduit  au
           dehors.  Là,  un  à  un,  une  rafale  de  mitraillette  les  abat.  Les
           uns  sur  les  autres,  ils  sont  déjà  18,  sanglants  et  inanimés.
               « D'un geste,  l'officier arrête la sinistre besogne des assas-
           sins  avinés.  Mais  il  faut  dégager  l'entrée  et,  sous  la  menace
           des  mitraillettes,  on  contraint  les  survivants  à  tirer  les  ca-
           davres  de  leurs  camarades  jusque  dans  la  salle.  Un  soldat
           sort,  revient  en  tenant  à  la  main  un  bidon  de  pétrole.  Il  en
           arrose  les  corps.
               « Pendant ce  temps,  les  sentinelles,  postées  en  dehors,  ne
           restent  pas  inactives.  Certains  jeunes  gens  ont  essayé  de
           chercher  leur  salut  dans  la fuite  et  par  les  fenêtres  ont  sauté
           dans  le  jardin.  Hélas,  un  seul,  blessé  au  bras,  Vuagnoux  de
           Thonon,  réussira  à  gagner  les  bois  proches.  Le  fruitier  du
           village,  Duret  Eugène,  qui,  sur  le  pas  de  sa  porte  s'apprêtait
           à  aller  voir  ce  que  devenait  son  fils,  est  abattu  sans  som-
           mation.
               « Mais  tout  n'est  pas fini.  Les  brutes  sanguinaires  veulent
           achever  dignement  leur  travail  et  à  l'aide  de  grenades
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