Page 90 - Histoire de France essentielle
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Lectures. — 84 — LES TEMPS MODERNES.
de la vertu que des biens. » Son patriotisme n’était pas moins grand
que sa probité. 11 est vrai qu’il a dirigé contre le roi les armées pro
testantes : mais l’intolérance du siècle et l’ambition de la maison de
Lorraine rendaient inévitables les guerres civiles. Encore est-ce bien
malgré lui que l'amiral s'y était mêlé. Quelques jours avant sa mort,
les huguenots, qui soupçonnaient avec raison la cour de tramer
quelque trahison, le suppliaient de prendre des précautions pour eux
et pour lui-même. « J’aime mieux mourir, répondit-il, et être traîné
par les rues de Paris, que de recommencer la guerre civile. » On peut
dire qu’il est mort victime de son patriotisme.
On a mis au bas de sa statue ces belles paroles empruntées à son
testament : « J’oublierai bien volontiers toutes choses qui ne touche
ront que mon particulier, soit d’injures ou d’outrages..... pourvu
qu’en ce qui touche la gloire de Dieu et le repos public, il y puisse
avoir sûreté. » De si généreux sentiments font plus pour la gloire de Co-
ligny que toutes ses victoires. (L.-1I. Ferrand, Loiret.)
36e Lecture. — Atrocités commises pendant les guerres
de religion.
Catholiques ou calvinistes, il est difficile de décider lesquels se per
mirent des barbaries plus atroces. Il n’y avait nulle sûreté, nul asile
contre la violence ; on vit des garnisons entières, qui s’étaient rendues
sous la sauvegarde d'une capitulation honorable, passées au fil de
l’épée, et leurs capitaines expirer sur la roue.... Des tortures adroite
ment ménagées pour suspendre la mort et la rendre plus doulou
reuse, des pères, des maris poignardés entre les bras de leurs filles et
de leurs épouses, des femmes, des enfants traités avec des excès de
brutalité inconnus chez les peuples les plus barbares; enfin des pro
vinces entières dévastées; le meurtre comblé par l’incendie, des ma
gistrats vénérables devenus les victimes de la fureur d’une populace
effrénée, qui, poussant la rage au delà de la mort, traînait dans les
rues leurs entrailles encore palpitantes et se repaissait de leur chair.
(Anquetil, L’Esprit de la Ligue.)
Dans le Languedoc, Monlluc pendait les protestants. « Par tes
arbres, on peut connaître où je passe », disait-il. Un protestant, des
Adrets, forçait des prisonniers à se précipiter d’une tour sur les piques
de ses soldats.