Page 274 - Histoire de France essentielle
P. 274
Lectures. 266 — PÉRIODE CONTEMPORAINE.
126e Lecture. — L’Europe actuelle.
... Voici un fait indéniable : la guerre n’est plus l'état normal du
continent: elle est plus rare et plus courte; les années de paix sont
plus nombreuses; faut-il dire que d’année en année la guerre devient
moins probable? La coexistence de six nations à peu près d’égale force,
le système de l’hexarchie, pourrait-on dire, formée par l’Angleterre,
la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche-Hongrie, la Russie, constitue
un équilibre plus parfait que celui qui a jamais existé depuis le com
mencement des temps modernes. Actuellement, en particulier, l’union
franco-russe balance à peu près la Triple alliance des puissances cen
trales.
Certes, le rêve des États-Unis d’Europe, conçu jadis par Victor Hugo,
est aussi loin que possible d’être réalisé; il est aussi chimérique que
le Grand Dessein de Sully ou l’utopie de la paix perpétuelle de l’abbé
de Saint-Pierre (philosophe du xvme siècle). Pourtant la guerre ne
parait plus le seul ni l’unique moyen de résoudre les conflits : lorsque
l’Allemagne disputa les Carolines à l’Espagne, en i885, l’arbitrage du
pape suffit à détendre une situation un moment critique. La même
année, le congrès de Berlin procéda en paix au partage de l’Afrique,
qui, en d’autres temps, eût coûté la vie à des milliers d'hommes. La
France et les États-Unis viennent de s’engager à soumettre tous leurs
différends à l’arbitrage. Sur l’initiative du tsar Nicolas II, qui a osé
dénoncer la guerre et l’excès des armements comme un fléau public,
un congrès international tenu à La Haye en 1900 a institué un tribunal
permanent d’arbitrage entre les nations. Les congrès de la Ligue
internationale de la paix s’imposent davantage à l’attention des gouver
nements. On peut espérer que l’arbitrage par enquêtes remplacera
peu à peu les brutales solutions de la guerre, comme la justice par
enquêtes a remplacé, après les siècles de fer du moyen âge, le duel
judiciaire et les prétendus jugements de Dieu?
Les peuples se rendent mieux compte que la guerre est un malheur
pour le vainqueur comme pour le vaincu. A mesure qu’ils disposeront
davantage de leurs intérêts, ils se refuseront à des conflits dont ils
sont les victimes, et, en ce sens, le progrès de la démocratie assure
aussi celui des idées de paix.
(Driault et Monod, Histoire générale. — Alcan, éditeur.)