Page 104 - Histoire de France essentielle
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Lectures.               — 98 —          LES TEMPS MODERNES.


                             44e Lecture. — Mazarin (fig. y3).
                   Mazarin avait l’esprit grand, prévoyant, inventif, le sens simple et
                 droit, le caractère plus souple que faible, et moins ferme que persé­
                 vérant. Sa devise était : « Le temps et moi. » 11 se conduisait, non
                 d’après ses affections ou ses répugnances, mais d’après ses calculs.
                 L’ambition l’avait mis au-dessus de l’amour-propre, et il était d’avis
                 de laisser dire, pourvu qu’on le laissât faire ; aussi était-il insensible aux
                 injures et n’évilait-il que les échecs. Il jugeait les hommes avec une
                 rare pénétration; mais il aidait son propre jugement du jugement que
                 la vie avait déjà prononcé sur eux. Avant d’accorder sa confiance à
                 quelqu’un, il demandait : « Est-il heureux? » Ce n’était pas de sa part
                 une aveugle soumission aux chances du sort; pour lui, être heureux
                 signifiait avoir l'esprit qui prépare la fortune et le caractère qui la
                 maîtrise. 11 était incapable d’abattement, et il avait une constance
                 inouïe, malgré ses variations apparentes. Si Richelieu, qui était sujet à
                 des accès de découragement, était tombé du pouvoir, il n’y serait pas
                 remonté; taudis que Mazarin, deux fois fugitif, ne se laissa jamais
                 abattre, gouverna du lieu de son exil et vint mourir dans le souverain
                 commandement et dans l’extrême grandeur.   (Mignet.I

                  45e Lecture. — Misère des campagnes pendant la Fronde.
                   Le peuple des campagnes ne prit pas part à la Fronde: il en lut
                 néanmoins la victime. Tout travail étant impossible, les campagnes
                 restèrent en friche. Le brigandage en grand, les violences des gens de
                 guerre portèrent partout la désolation et la terreur. « Près de Soissons,
                 un paysan est attaché à la queue d’un cheval fougueux et mis en
                 pièces. Ailleurs, ou ficelait un chat sur le dos des manants et on fouet­
                 tait cette bête jusqu’à ce qu’elle eût mis en sang les victimes. On
                 pendait les paysans par les pieds dans leur cheminée, et on les
                 asphyxiait avec la fumée, ou bien on leur chauffait la plante des pieds
                 jusqu’à ce qu’ils eussent avoué où était leur argent. » (Rambaud). La
                 justice, impuissante, tremblait devant le criminel. Le manque de pain,
                 la mauvaise nourriture causaient des maladies aussi redoutables que
                 la peste et encombraient les hôpitaux sans secours.
                              46e Lecture. — Mathieu Mole.

                   Premier président au Parlement de Paris, Mathieu Molé déploya une
                 fermeté à toute épreuve pendant l’époque troublée de la Fronde. On
                 cite de ce magistrat plusieurs traits qui montrent que le courage civil
                 ne le cède en rien au courage militaire. Un jour, il alla, au milieu des
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