Page 10 - Coeurs Vaillants Num 33
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LE COURONNEMENT DE LA
SAINTE VIERGE
« Reine du très saint rosaire », priez pour nous, pour que
Dieu introduise dans ce rosaire qu’achève son médiocre servi
teur ce qu’il y manque. C’est vous qui m’avez \emis cette
poignée de grains de bois dans l'année mil neuf cent cinq que
je me suis converti. Je me souviens de Dieu dans le jardin
de l'hospice, de la fanfare naïve, du fléchissement des mois
sons sous la brise, des femmes qui, à l’approche de l’osten
soir, s'affaissaient comme des blés fauchés. Mon rosaire est
dit. J'en tiens la croix grossière en écrivant ces lignes. Je sais
quelle force j’ai puisée là depuis ce jour où je me suis cru
mort, jusqu'à celui où, plein de vie éternelle, j’écoute, sûr de
moi, le vent. J'ai vu les miens se relever de leurs couches
funèbres. Je louerai mon Dieu et j’appuierai devant lui mon
cœur contre la terre. Cette poignée de grains, ô Vierge ! voici
la pauvre gerbe qu'elle a produite. Mais il y avait, au milieu, ce
coquelicot qui riait.
Francis JAMES.
PRÉSENTATION DE LA BEAUCE
A NOTRE-DAME DE CHARTRES
Étoile de la mer, voici la lourde nappe
Et la profonde houle et l’océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cette immense chape.
Et voici votre voix sur cette lourde plaine
Et nos amis absents et nos cœurs dépeuplés,
Voici le long de nous nos poings désassemblés
Et notre lassitude et notre force pleine.
Étoile du matin, inaccessible reine,
Voici que nous marchons vers votre illustre cour,
Et voici le plateau de notre pauvre amour,
Et voici l’océan de notre immense peine.
Vous nous voyez marcher sur cette route droite,
Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents,
Sur ce large éventail ouvert à tous les vents,
La route nationale est notre porte étroite.
Nous allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,
D'un pas toujours égal, sans hâte ni recours,
Des champs les plus présents vers les champs les plus
proches...
Tour de David, voici votre tour beauceronne.
C'est l'épi le plus dur qui soit jamais monté
Vers un ciel de clémence et de sérénité,
Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.
Un homme de chez nous a fait ici jaillir,
Depuis le ras du sol jusqu’au pied de la croix,
Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois,
La flèche irréprochable et qui ne peut faillir.
C’est la pierre sans tache et la pierre sans faute,
La plus haute oraison qu’on ait jamais portée,
La plus droite raison qu'on ait jamais jetée,
Et vers un ciel sans bord la ligne la plus haute.
Charles PÉGUY.