Page 21 - Coeurs Vaillants Num 32
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FESTIVAL FRANCO ALLEMAND DE CERISY (»





 fai vu les filles de l’Orne et les filles de Cologne préparer dans l’amitié l’Europe de l’an 2000

 'EST une journée inoubliable              milliers de sourires, de belle joie,
 C  que je viens de passer dans            de jeunesse et d’amitié.                       de notre envoyé spécial

 lOrne, à VAbbaye de Ceri-
                                              Mais il y avait plus, beaucoup                 Bertrand PEYRÈGNE
 sy, une sorte de manoir noyé dans
                                           plus encore, ce jour-là, à l’Abbaye
 la verdure, à 6 kilomètres de Fiers.
                                           de Cerisy.
 Dressée sur le pré qui s'étend            ... Elles étaient disséminées parmi   plus tôt, dans un car rouge aux
 devant l'« Abbaye », une grande           les filles de Fiers et il eût été bien   armes de Cologne, pour retrouver,
 estrade. Beaucoup de monde au­            difficile de les discerner. Trente    comme chaque année, les filles de
 tour d'elle : des familles des envi­      jeunes filles, de douze à seize ans,   Normandie. Et commencer, avec
 rons, une foule de jeunes (des            avec quelques dirigeantes. Mêmes      elles, le grand voyage de presque
 filles, surtout) et des « officiels ».    robes fraîches, mêmes sourires,       un mois grâce auquel Fiers devient
 Claquant à la brise, dominant l'as­       même lueur de joie sur les visages    chaque année la capitale de l’ami­
 sistance au sommet de huit grands         que les filles du pays. Simplement,   tié entre les jeunes de l’Europe.
 mâts, des drapeaux : France, Alle­        en vous approchant, vous entendiez
 magne, Italie, Norvège, Hongrie,          quelques « Ya... Sehr gut... Nein...          Depuis 5 ans...
 Vietnam... Et, baignant tout cela,        Danke schon... » échappés des con­
 sous un merveilleux soleil, une           versations.                             C’est en 1959 qu’un vicaire de
                                                                                 la ville, F Abbé Mérand, organisa
 atmosphère indéfinissable, faite de         Elles étaient arrivées, deux jours
                                                                                 pour la première fois une rencontre
                                                                                 semblable entre des filles de plu­
 ANNE-MARIE (15 ans) : «Quand on a du mal à   Marlène, une jeune Allemande tout fraîchement arrivée à Cerisy, cherche un produit à
 la mystérieuse   mettre sur ses cheveux. Sur la table de toilette, il y a justement un flacon ressemblant tout   sieurs pays (les drapeaux claquant
         à fait aux bouteilles de lotion capillaire d'Allemagne. L'étiquette est écrite en français.   à la brise dans le ciel du « Festi­
 former une phrase, on fait des gestes, des mimiques,   lotion   Marlène essaie de traduire : « Je crois que ça signifie : Produit pour se coiffer... », dit-elle
         m amies. Et puis, toute heureuse, elle en verse une large rasade sur sa jolie chevelure
         blonde.                                                                 val » étaient là pour les représen­
           C'est l'odeur bizarre de la « lotion capillaire » française qui mit à Marlène la puce à
 des grimaces... et les copines allemandes comprennent... »  capillaire   dirigeantes, qui parle et lit en français à peu près comme vous et moi.  ter...) . Mais c’est surtout avec
         l'oreille. Légèrement inquiète, le flacon suspect en mains, elle va trouver Uta, l'une des
           Et il y eut un grand, un collectif, un formidable éclat de rire. Sur ( étiquette du joli
 de Cerisy  flacon tenu entre les doigts tremblotants de Marlène, il y avait marqué : « Détachant »...  l’Allemagne que les échanges ont
                                                                                 lieu, pour des raisons matérielles et
 LLE a quinze ans. Un visage   — Maintenant, ça va beaucoup   une fille de Cologne était à la
 E  sympathique baigné de joie   mieux ?  maison...
 de vivre. Elève de première à
 — Oui. On arrive à bien par­
 Elle se prend la tète entre les
 l’école Notre-Dame de Fiers, Anne-   ler. Tous les matins, d’ailleurs,   deux mains, les yeux s’élèvent vers
 Marie Foueher a fait partie de   lors des rencontres, nous avons   le ciel bien bleu qui dessine une
 toutes les rencontres franco-alle­  une demi-heure de cours. Une   merveilleuse toile de fond aux
 mandes, depuis leur naissance, il   jeune Allemande vient nous   contours de l’abbaye, et :
 y a cinq ans (1).
 — Oh, l’an dernier !... Avec
 — Anne-Marie, racontez-moi la   deux autres filles, nous avons
 première rencontre...  été reçues dans une famille de
 —- C’était, donc, en 1959...   Cologne. Le père est architecte.
 Pour cette première fois, nous,   Il a deux filles : une de notre
 les Françaises, sommes parties   âge, quinze ans, et une plus
 seules de Fiers pour rejoindre   petite, sept ans et demi. Ils
 Cologne, où nous attendaient   ont tous été formidables. Les
 nos camarades allemandes.   parents, les amis, sont venus
 (Maintenant, nous faisons la to­  les retrouver le soir, et, pour
 talité du voyage avec elles. Il y   nous, ils ont organisé une
 a deux jours, les Allemandes   grande veillée. Nous avons
 sont arrivées à Fiers et, de là,   chanté des chansons françaises,
 nous partirons ensemble de­  eux des chants allemands. Si
 main, vers l’Allemagne... avec   vous saviez combien nous avons
 de nombreuses étapes prévues   eu du mal à les quitter...
 en Normandie.)
 — Une dernière question, Anne-
 — Le premier contact n’a pas   Marie. Vous m’avez dit tout à
 été trop difficile ?  l’heure que, depuis la quatrième,
 — Oh ! non. Nous avions, de   vous faites de l'allemand en
 part et d’autre, beaucoup de   classe ?
 mal à nous faire comprendre,   — Oui.
 mais nous avons tout de suite
 sympathisé. Et puis, heureuse­  faire parler allemand et l’une   — Serait-ce indiscret de vous
 ment, les Allemandes, un peu   d’entre nous va apprendre le   demander votre place, en alle­
 plus âgées que nous, étaient   français à l’autre groupe.  mand, à la dernière distribution
 pour la plupart étudiantes, et   Et puis, quand on a du mal   des prix ?
 elles avaient appris le français   à former une phrase, on fait   Elle me lance un regard de
 en classe.  des gestes, des mimiques, des   triomphe et, radieuse :
 — Vous, Anne-Marie, vous par­  grimaces... et les copines alle­  — Première.
 liez allemand, à l’époque ?  mandes finissent bien par com­  Puis, très vite, elle ajoute :
 —- Non. J’en ai fait en classe   prendre ce que l’on veut dire.   — Vous savez, je ne suis pas
 seulement l’année d’après, en   — .4 chaque voyage, vous allez,   un cas particulier. Toutes les
 entrant en quatrième. Avant de   je crois, passer une journée dans   filles qui viennent aux ren­
 partir au camp, nous avions   une famille allemande ?  contres, elles sont, en classe
 toutes appris quelques mots   — Oui. Et, de même, les Alle­  d’allemand, plutôt du genre im­
 usuels. Mais c’est peu, vous sa­  mandes, lors du passage à   battable...
 vez, pour arriver à se faire   Fiers, vont vivre une journée
 comprendre...  dans nos familles. Tenez, hier,   (1) Sauf une: elle était malade.
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