Page 20 - Coeurs Vaillants Num 32
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FESTIVAL FRANCO ALLEMAND DE CERISY (»





                                                                                       fai vu les filles de l’Orne et les filles de Cologne préparer dans l’amitié l’Europe de l’an 2000

                                                                                           'EST une journée inoubliable                                            milliers de sourires, de belle joie,
                                                                                       C    que je viens de passer dans                                            de jeunesse et d’amitié.                      de notre envoyé spécial

                                                                                            lOrne, à VAbbaye de Ceri-
                                                                                                                                                                     Mais il y avait plus, beaucoup                 Bertrand PEYRÈGNE
                                                                                       sy, une sorte de manoir noyé dans
                                                                                                                                                                  plus encore, ce jour-là, à l’Abbaye
                                                                                       la verdure, à 6 kilomètres de Fiers.
                                                                                                                                                                  de Cerisy.
                                                                                         Dressée sur le pré qui s'étend                                           ... Elles étaient disséminées parmi   plus tôt, dans un car rouge aux
                                                                                       devant l'« Abbaye », une grande                                            les filles de Fiers et il eût été bien   armes de Cologne, pour retrouver,
                                                                                       estrade. Beaucoup de monde au­                                             difficile de les discerner. Trente    comme chaque année, les filles de
                                                                                       tour d'elle : des familles des envi­                                       jeunes filles, de douze à seize ans,   Normandie. Et commencer, avec
                                                                                       rons, une foule de jeunes (des                                             avec quelques dirigeantes. Mêmes      elles, le grand voyage de presque
                                                                                       filles, surtout) et des « officiels ».                                     robes fraîches, mêmes sourires,       un mois grâce auquel Fiers devient
                                                                                       Claquant à la brise, dominant l'as­                                        même lueur de joie sur les visages    chaque année la capitale de l’ami­
                                                                                       sistance au sommet de huit grands                                          que les filles du pays. Simplement,   tié entre les jeunes de l’Europe.
                                                                                       mâts, des drapeaux : France, Alle­                                         en vous approchant, vous entendiez
                                                                                       magne, Italie, Norvège, Hongrie,                                           quelques « Ya... Sehr gut... Nein...          Depuis 5 ans...
                                                                                       Vietnam... Et, baignant tout cela,                                         Danke schon... » échappés des con­
                                                                                       sous un merveilleux soleil, une                                            versations.                              C’est en 1959 qu’un vicaire de
                                                                                                                                                                                                        la ville, F Abbé Mérand, organisa
                                                                                       atmosphère indéfinissable, faite de                                           Elles étaient arrivées, deux jours
                                                                                                                                                                                                        pour la première fois une rencontre
                                                                                                                                                                                                        semblable entre des filles de plu­
         ANNE-MARIE (15 ans) : «Quand on a du mal à                                                                               Marlène, une jeune Allemande tout fraîchement arrivée à Cerisy, cherche un produit à
                                                                                                          la mystérieuse         mettre sur ses cheveux. Sur la table de toilette, il y a justement un flacon ressemblant tout   sieurs pays (les drapeaux claquant
                                                                                                                                 à fait aux bouteilles de lotion capillaire d'Allemagne. L'étiquette est écrite en français.   à la brise dans le ciel du « Festi­
        former une phrase, on fait des gestes, des mimiques,                                               lotion                Marlène essaie de traduire : « Je crois que ça signifie : Produit pour se coiffer... », dit-elle
                                                                                                                                 m amies. Et puis, toute heureuse, elle en verse une large rasade sur sa jolie chevelure
                                                                                                                                 blonde.                                                                val » étaient là pour les représen­
                                                                                                                                  C'est l'odeur bizarre de la « lotion capillaire » française qui mit à Marlène la puce à
         des grimaces... et les copines allemandes comprennent... »                                        capillaire            l'oreille. Légèrement inquiète, le flacon suspect en mains, elle va trouver Uta, l'une des   ter...) . Mais c’est surtout avec
                                                                                                                                 dirigeantes, qui parle et lit en français à peu près comme vous et moi.
                                                                                                                                  Et il y eut un grand, un collectif, un formidable éclat de rire. Sur ( étiquette du joli
                                                                                                           de Cerisy            flacon tenu entre les doigts tremblotants de Marlène, il y avait marqué : « Détachant »...  l’Allemagne que les échanges ont
                                                                                                                                                                                                        lieu, pour des raisons matérielles et
            LLE a quinze ans. Un visage   — Maintenant, ça va beaucoup     une fille de Cologne était à la
         E   sympathique baigné de joie   mieux ?                          maison...
             de vivre. Elève de première à
                                             — Oui. On arrive à bien par­
                                                                          Elle se prend la tète entre les
            l’école Notre-Dame de Fiers, Anne-   ler. Tous les matins, d’ailleurs,   deux mains, les yeux s’élèvent vers
         Marie Foueher a fait partie de    lors des rencontres, nous avons   le ciel bien bleu qui dessine une
         toutes les rencontres franco-alle­  une demi-heure de cours. Une   merveilleuse toile de fond aux
         mandes, depuis leur naissance, il   jeune Allemande vient nous   contours de l’abbaye, et :
         y a cinq ans (1).
                                                                             — Oh, l’an dernier !... Avec
          — Anne-Marie, racontez-moi la                                    deux autres filles, nous avons
         première rencontre...                                             été reçues dans une famille de
             —- C’était, donc, en 1959...                                  Cologne. Le père est architecte.
           Pour cette première fois, nous,                                 Il a deux filles : une de notre
           les Françaises, sommes parties                                  âge, quinze ans, et une plus
           seules de Fiers pour rejoindre                                  petite, sept ans et demi. Ils
           Cologne, où nous attendaient                                    ont tous été formidables. Les
           nos camarades allemandes.                                       parents, les amis, sont venus
           (Maintenant, nous faisons la to­                                les retrouver le soir, et, pour
           talité du voyage avec elles. Il y                               nous, ils ont organisé une
           a deux jours, les Allemandes                                    grande veillée. Nous avons
           sont arrivées à Fiers et, de là,                                chanté des chansons françaises,
           nous partirons ensemble de­                                     eux des chants allemands. Si
           main, vers l’Allemagne... avec                                  vous saviez combien nous avons
           de nombreuses étapes prévues                                    eu du mal à les quitter...
           en Normandie.)
                                                                          — Une dernière question, Anne-
          — Le premier contact n’a pas                                   Marie. Vous m’avez dit tout à
         été trop difficile ?                                            l’heure que, depuis la quatrième,
             — Oh ! non. Nous avions, de                                 vous faites de l'allemand en
           part et d’autre, beaucoup de                                  classe ?
           mal à nous faire comprendre,                                      — Oui.
           mais nous avons tout de suite
           sympathisé. Et puis, heureuse­  faire parler allemand et l’une   — Serait-ce indiscret de vous
           ment, les Allemandes, un peu    d’entre nous va apprendre le   demander votre place, en alle­
           plus âgées que nous, étaient    français à l’autre groupe.    mand, à la dernière distribution
           pour la plupart étudiantes, et    Et puis, quand on a du mal   des prix ?
           elles avaient appris le français   à former une phrase, on fait   Elle me lance un regard de
           en classe.                      des gestes, des mimiques, des   triomphe et, radieuse :
          — Vous, Anne-Marie, vous par­    grimaces... et les copines alle­  — Première.
         liez allemand, à l’époque ?       mandes finissent bien par com­  Puis, très vite, elle ajoute :
             —- Non. J’en ai fait en classe   prendre ce que l’on veut dire.   — Vous savez, je ne suis pas
           seulement l’année d’après, en   — .4 chaque voyage, vous allez,   un cas particulier. Toutes les
           entrant en quatrième. Avant de   je crois, passer une journée dans   filles qui viennent aux ren­
           partir au camp, nous avions   une famille allemande ?           contres, elles sont, en classe
           toutes appris quelques mots       — Oui. Et, de même, les Alle­  d’allemand, plutôt du genre im­
           usuels. Mais c’est peu, vous sa­  mandes, lors du passage à     battable...
           vez, pour arriver à se faire    Fiers, vont vivre une journée
           comprendre...                   dans nos familles. Tenez, hier,   (1) Sauf une: elle était malade.
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