Page 20 - Coeurs Vaillants Num 29
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Alain. —- Mais papa, lui, dit   plus en plus nombreuse de
          Alain pose vos questions                            toujours : « Les paysans n'ont   coopératives de ventes et de
                                                              qu'à s'adapter, se mettre au
                                                                                          transformation de fruits et lé­
                                                              courant, s'organiser, s'en­  gumes, ou de groupes d'achats.
                                                              tendre... »                   » Nous pensons que, malgré
          sur : la colère d'Avignon                             L'agriculteur. — On nous l'a   toutes ces réalisations, nous
                                                              beaucoup dit. Aussi avons-nous   n'avons pas reçu tous les en­
                                                              sérieusement porté nos efforts   couragements et l'aide qui nous
                                                              là-dessus ces dernières années.   seraient indispensables car nous

       ^LAIN habite une grande ville.  voir acheter autant de fruits
       *■ Il est arrivé en vacances   qu'elle le voudrait parce qu'ils
       dans la région d'Avignon et   sont trop chers.
       est « tombé » en pleine mani­  C'est Claude qui lui répond :
       festation agricole.           -— Cette année, nous avions
         Sachant que j'étais à Cœurs   passé un accord avec Maman.
       Vaillants, il est venu me de­  Nous l'aidions à cueillir les ce­
       mander quelques explications.  rises sur les quelques arbres de­
                                   vant la maison ; 2 parts égales
         Au'lieu de lui répondre, nous
       nous sommes donné rendez-vous   du produit des ventes : une pour
                                   elle, une pour nous, frères et
       sur un marché, dans un centre
       de production. Claude, un gar­  sœurs.
                                     » Au moment où la récolte
       çon de la région, nous a rejoint.
       Alain a pu poser quelques   commençait à donner, nous
                                   avons dû arrêter. 1 cageot de
       questions.
                                   cerises pèse environ 9 kg. En
         Alain. — En ville, l'on dit   pleine récolte, il nous était
       que les agriculteurs sont éco­  payé : 0,50 F X 9 = 4,50 F,
       nomes, avares même de leur   mais il avait déjà coûté au
       argent et de leurs produits.   producteur: 0,15 F de droit
       Pourquoi les avez-vous dé­  de place sur le marché de Saint-
       truits ?                    Etienne ; 0,99 F de transport

          Un grand effort de modernisation a été fait : ici, une coopé­  Les résultats n'ont pas tardé   ne pouvons pas tout faire ; et
                rative de vente de fruits, près d'Orange.
                                                              à se faire sentir par une   c'est pour cela que nous ma­
                                                              augmentation de la production.  nifestons, en regrettant qu'il
                                                                                          y ait des coups donnés et reçus,
                                                                » Comme il faut non seule­  car nous savons tous, et surtout
                                                              ment organiser la production,   nous qui nous disons chrétiens
                                                              mais aussi l'écoulement, nous   dans les Mouvements d'Action
                                                              avons aussi multiplié les coo­  Catholique Rurale, que l'union,
                                                              pérateurs et les groupements   la ténacité, l'organisation, les
                                                              de vente.                   sacrifices peuvent apporter des
                                                                                          solutions* à ces graves pro­
                                                                » Malheureusement, la vente
                                                              des fruits et légumes, très dif­  blèmes, alors que les coups et
                                                                                          la violence ne peuvent qu'aug­
                                                              ficile à organiser du fait des   menter ou créer des malenten­
                                                              faibles possibilités de conserva­  dus et semer la discorde et la
                                                              tion en dépit des réfrigérateurs   haine.
                                                              et chambres froides, est un peu
                                                              en arrière malgré la création de    Marcel CHABRAN.'

         L'agriculteur. — Cette des­  (camion) ; 0,45 F de commis­
       truction de produits agricoles,   sion (celui qui reçoit les caisses
       fruits et légumes, n'a rien de   à Saint-Etienne) ; 0,09 F de
       nouveau. Lorsque, après avoir   manutention ; 0,30 F de lo­
       essayé sur plusieurs marchés de   cation du cageot ; 0,25 F de
       vendre nos produits, nous ne   correspondance, soit 2,23 F.
       trouvons pas d'acquéreurs, et   » Il nous reste donc 2,27 F.
       comme ces produits ne se con­  Un habile ouvrier ramasse 5 kg
       servent pas, nous devons bien   de cerises à l'heure, qu'il faut
       les jeter. Ces dernières années,   ensuite emballer, transpor­
       nous le faisions dans des en­  ter, etc., ce qui correspond en­
       droits déserts, loin des habita­  viron à deux heures de travail
       tions et des lieux fréquentés,   par cageot ; 2,27 F : 2 =
       afin de ne pas incommoder,   1,135 F par heure. Pour un
       mais aussi parce que nous   travail assez fatigant, c'est
       avions une certaine honte d'être   vraiment maigre !
       obligés de jeter tout cela.   » Et que nous serait-il resté
         » Afin d'attirer l'attention   si mon grand-père, à qui ap­
       de tous, et surtout des gouver­  partiennent les arbres, nous
       nants, nous avons décidé de   avait réclamé la location du
       déposer nos produits invendus   terrain et une participation aux
       (en quantité de plus en plus   frais de plantation, d'entre­
       grande chaque année) à des   tien, etc.
       endroits où ils risquent d'être   — C'est souvent la même
       remarqués.
                                   chose pour les producteurs,   Les agriculteurs du Vaucluse ne sont pas les seuls à con­
         Alain. — Je ne comprends   mais à une plus grande échelle,
                                                                naître les difficultés : En Bretagne, la question des pommes
       pas : Maman nous dit toujours   ajoute l'agriculteur qui écou­     de terre pose de graves problèmes...
       qu'elle regrette de ne pas pou-   tait.
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