Page 19 - Coeurs Vaillants Num 29
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AVEC LES "CAVALIERS DE SAINT-JACQUES"




          Pendant des siècles, au Moyen Age, le tombeau de l’apôtre   les cavaliers furent accompagnés un bout de chemin par des
         saint Jacques, à Compostelle, en Espagne, fut le lieu de pèle­  bergers revêtus de peaux de bêtes. Puis une réunion de sor­
         rinage le plus fréquenté de la chrétienté. On y venait de toute   cières les attira dans la lande, pour mimer un « sabbat » en
         part ; le voyage durait des mois ou des années, et il était semé   bonne et due forme, comme si le diable voulait tourner en déri­
         d’embûches.                                             sion la pieuse équipée. Mais les cavaliers-pèlerins eurent fort
           Or voici que cinq hommes courageux et animés du même idéal   heureusement le dessus et continuèrent leur route !
         religieux que nos ancêtres ont voulu revivre, pas à pas, l’épopée   Lourdes et la grotte miraculeuse furent une de leurs plus émou­
         que représentait, il y a six cents ans, le voyage, à Saint-Jacques. A   vantes étapes, puis ils entamèrent la lente montée vers le Som-
         cheval, avec, pour tout bagage, ce que pouvaient porter leurs   port, col reliant la France à l’Espagne, à 1 640 m d’altitude.
         propres montures et un cheval de charge, ils ont parcouru,   Jusque-là, ils avaient eu à souffrir de pluies quotidiennes et
         du 23 mai au 30 juin, les 1 500 km qui séparent les Saintes-Maries-   faire face à des orages. Mais leur persévérance fut récompensée,
         de-la-Mer, en Provence (le célèbre lieu de. pèlerinage des Gitans),   car le jour où ils franchirent le col, le ciel s’était déchiré et ils
         de Saint-Jacques-de-Compostelle.                        purent admirer les Pyrénées dans toute leur splendeur, tout en
                                                                 chevauchant dans les forêts ombreuses.
                                                                   A la frontière, atteinte en plein midi, sous un soleil de feu,
                    DES PÈLERINS-CAVALIERS                       il fallut laisser souffler les chevaux, fatigués par la rude mon­
                                                                 tée. Bailleurs, une délégation espagnole les attendait : un général,
           Parmi eux, un seul cavalier professionnel : Henri Roque, chef   le gouverneur de la province et les autorités locales étaient venus
         de l’expédition. A ses côtés, un antiquaire de cinquante et un ans,   au-devant des pèlerins, dont la radio annonçait -l’arrivée depuis
         un libraire de vingt-cinq ans, un journaliste de trente-trois ans et,   quelques jours. Ils reçurent là un accueil enthousiaste, comme
         enfin, un conservateur des Archives Nationales, René de la Coste   seuls les Espagnols savent en réserver.
         Messelière, quarante-quatre ans. Depuis longtemps, ce dernier   Seule ombre au tableau, l'un des cavaliers, le journaliste, avait
         avait étudié, pour son travail et pour le plaisir, l’histoire des   été blessé par une ruade, dans l’Ariège, et était obligé de suivre
         pèlerinages à Compostelle et repéré les itinéraires que les pèle­  ses camarades en voiture. Mais il ne désespérait pas de remonter
         rins de jadis empruntaient.                             à cheval avant Compostelle.
          Les pèlerins-cavaliers n'ont pas suivi les routes nationales, mais
         sont passés souvent par des chemins de terre et des sentiers à
         travers les collines, suivant ainsi pas à pas les vieux « chemins
         de Saint-Jacques ». Car on appelle ainsi dans le Midi ces itiné­
         raires jalonnés des ruines des gîtes d’étapes que l’on trouve un
         peu partout et qui virent tant de pèlerins.

                 LE SABBAT DU LANNEMEZAN
          Sur le plateau de Lannemezan, une reconstitution historique
         les attendait avec des figurants pris parmi les jeunes du pays :



                                                                        PAR LE CHEMIN DES FRANÇAIS

                                                                  En revanche, les Espagnols, chez qui le culte de Saint-Jacques
                                                                 est encore plus vivace qu’en France, annoncèrent à nos pèlerins
                                                                 une bonne nouvelle : quatre officiers de 1 Ecole Espagnole de
                                                                 Cavalerie se joignaient à eux, pour les 800 km à faire avant
                                                                 d’arriver à Saint-Jacques, en suivant le « Chemin des Français»,
                                                                 ainsi nommé parce que les Français le parcouraient jadis pour
                                                                 atteindre Compostelle.
                                                                  Ainsi les pèlerins se trouvèrent huit, ce qui rendait encore plus
                                                                 convaincante la démonstration qu’ils entendaient faire : prouver
                                                                 que Père des grands voyages à cheval n’est pas terminée pour des
                                                                 âmes portées par un solide idéal et n’ayant pas peur des longues
                                                                 randonnées au pas lent de « la plus belle conquête de l’homme ».
                                                                                                        Yves COLIN.
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