Page 5 - Coeurs Vaillants Num 18
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qu’une abeille vit en moyenne 45 jours, cela représente une
assez jolie performance !
UNE REINE CONDAMNÉE AUX TRAVAUX FORCÉS
Le personnage le plus important de la rucne est naturellement
la reine. Cependant, on peut dire d'elle qu’elle règne, mais ne
gouverne pas. En effet, elle est là pour les besoins de la cause,
pour une tâche bien déterminée : pondre des œufs. Elle s'ac
quitte d’ailleurs fort bien de ce travail puisque en quatre ou
cinq ans de vie elle en pond près d'un million. Elle est étroite
ment surveillée par sa garde d’honneur qui la protège, la soigne,
la pomponne, mais l’empêche aussi de sortir si elle en a envie
et enfin la chasse si elle devient trop vieille.
Ce qui est curieux c'est que la reine n'appartienne pas à une
race spéciale bien qu’elle soit beaucoup plus grosse que les
autres abeilles. Rien ne la prédispose à ce rôle. Elle est, en fait,
« fabriquée » par les autres ouvrières. Comment? Tout sim
plement par la suralimentation.
Lorsque la communauté a décidé qu'il lui faut une nouvelle
reine, elle choisit quatre ou cinq larves de quelques heures. La capture des essaims est un travail délicat que seul un
De jeunes nourrices se mettent à les gaver avec la fameuse apiculteur chevronné peut entreprendre sans danger.
gelée royale. Les jeunes larves, en cinq jours, augmentent de
cinq mille fois leur poids !
Les plus connues des ouvrières sont, bien sûr, les butineuses.
Sans cesse au travail, sans cesse en vol, elles passent de fleur
en fleur pour ramener leur fragile butin de pollen. Lorsqu'une
éclaireuse a découvert une bonne prise, elle revient à la ruche
pour avertir ses compagnes. Un savant allemand, von Frisch,
a étudié leur manège pendant des dizaines d'années. Et il a
découvert d'étranges choses : les abeilles ont un langage.
Oh, bien sûr, elles ne parlent pas, mais elles ont tout de
même trouvé un moyen pour communiquer. Ainsi l'abeille
éclaireuse revenant de mission fait une sorte de danse qui
indique sa découverte, qui indique la distance, et l'orientation
par rapport au soleil. Par exemple, si la danseuse oriente sa
danse vers le haut, cela veut dire que le butin se trouve dans la
direction du soleil. Si elle l'oriente vers le bas, les autres
abeilles comprennent que c'est dans la direction opposée. Il
existe deux sortes de danses : la première, une sorte de ronde,
signiflequelebutin est très proche, disons moins de 100 mètres.
La seconde, que von Frisch a baptisé « sautillante », indique
que le butin est beaucoup plus éloigné ; dans ce cas, plus le
butin est loin, moins la danse est rapide. Ainsi une nouvelle
escadrille peut prendre son envol et partir à la conquête du
pollen convoité. Les bulles de nectar s’amasseront dans les
alvéoles. Les « ventileuses » les sécheront par leurs battements
d'ailes et cette eau sucrée deviendra du miel.
Il est bien rare de iire un article sur les abeilles où l'auteur ne
termine pas par ces mots (ou quelque chose d’approchant) :
« Le monde des abeilles est si bien organisé que les hommes
devraient, eux-mêmes, en tirer des leçons. »
Ce sont, il me semble, des paroles bien imprudentes. Le
monde des abeilles est une jungle parfaite. Un monde cruel et
purement utilitaire. Ce que les abeilles ont remarquablement
organisé, c’est surtout... leur esclavage. Chacune est à sa
place et ne peut en sortir. Bien plus, si elle vieillit ou qu'elle a
achevé la tâche pour laquelle elle était faite, elle est impitoya
blement tuée.
Quand une nouvelle reine vient d’éclore, sa première tâche Ce cadre retiré d'une ruche montre bien les centaines d'al
est de massacrer les larves d'où pourraient jaillir des princesses véoles où s’entasse le miel et où la foule des abeilles
travaille.
concurrentes. Elle-même risque fort d'être tuée lorsqu'elle
vieillira par trop.
Nous sommes donc loin d’un monde idéal. De plus, malgré
tout ce que nous avons dit, nous sommes bien obligés de
constater que les abeilles ne sont pas « intelligentes ». Ainsi
le fameux professeur von Frisch arriva assez facilement à les
tromper. Ayant placé une assiette remplie d’eau sucrée au
sommet d'un pylône de radiodiffusion, des abeilles trouvèrent
le mets, le goûtèrent et revinrent à la ruche apporter la bonne
nouvelle. Pour ce faire, elles entamèrent la ronde dont nous
avons parlé plus haut. Les abeilles qui partirent ensuite allèrent
bien à l’endroit indiqué, mais furent incapables de trouver
l'assiette. Elles ne firent que chercher au niveau des fleurs,
sans avoir l’idée de voler plus haut. Comme quoi le fameux
langage est assez limité !
N'oublions pas non plus qu'il suffit de déplacer la ruche de
50 centimètres pour qu'elles soient incapables de la retrouver !
Leur activité est donc entièrement dirigée par l'instinct, non
par le raisonnement. Hervé SERRE.
Il ne reste plus qu'à découper ce miel succulent. Une fois
raffiné, il offrira un aliment de choix et très riche.