Page 5 - Coeurs Vaillants Num 16

UNE TRADITION PLUSIEURS FOIS CENTENAIRE cation au moment du printemps. C'est sans doute pour
cette raison que nous trouvons la tradition établie dans tout
Il y a de cela... de nombreux siècles. l'Occident. Il semble bien que la même coutume ne se soit
Nous sommes au seuil du IVe de notre ère. A cette époque, pas répandue, mais soit née simultanément dans diffé­
pendant le Carême, il était interdit de manger des œufs, rentes régions.
qui étaient considérés comme de la viande. Aussi, lorsqu'ils
revenaient sur les tables, après la bénédiction spéciale
du samedi, étaient-ils l'objet d’une véritable fête ! UNE ŒUVRE D’ART FRAGILE
On trouve la trace de ces fêtes dans des écrits du
XIIe siècle : « Le saint jour de Pâques, en l'honneur du D’une manière générale, ces œufs peints sont d’un
Christ ressuscité, on casse les œufs et on fait une joyeuse intérêt décoratif certain, mais qui reste tout de même du
salade qu'on mange en famille. » domaine de l'artisanat ou folklore. Dans l'Europe de ('Est
Cette tradition s’est même encore conservée puisque, pourtant, en Pologne, en Tchécoslovaquie, dans les Bal­
dans certaines régions de France, on mange encore une kans, les œufs peints sont de véritables œuvres d'art. Le
omelette le lundi suivant Pâques. L'honneur étant rendu à seul musée du monde, d'ailleurs, qui conserve ces œufs
cette nourriture, on prit vite l’habitude de la décorer et de (il en possède plus de 10 000), se trouve à Budapest. Dans
l’habiller pour cette circonstance. On peignit les œufs de tous ces pays, le lundi de Pâques est plus spécialement
brillantes couleurs, on les grava. Ainsi, dans les campagnes la fête de l'œuf.
du Berry, en Bourgogne et en Lorraine, ils étaient généra­ Ceux-ci, vidés (on les appelle des Kraslice), sont faits
lement peints en rouge pour évoquer le sang du Christ. pendant l’hiver par les vieilles paysannes. Une dizaine de
D’après une recette, le plus beau rouge s'obtenait (et s'ob­ jours avant Pâques, elles viennent en ville, et toutes les
tient encore puisque la coutume survit) avec des « rouelles » maisons commencent à s'orner de ces fragiles boules
d'oignons cuits dans du vinaigre. multicolores pendues par grappes à des rubans.
Les motifs de décoration de ces œufs rappellent ceux
des costumes locaux faits de brillants entrelacs, de fleurs
LÉGENDES ET SYMBOLES compliquées, de motifs toujours joyeux.
Il y a deux façons de procéder pour la décoration :
Avant l'époque chrétienne même, l'œuf était considéré — Avec un pinceau trempé dans des couleurs différentes,
comme le symbole de l’Espérance et de l’immortalité. Il le dessin étant fait auparavant au crayon. Ce procédé
passa donc parfaitement dans le rituel chrétien de Pâques. donne les œufs les plus précieux mais il devient rare.
Saint Augustin écrivait : « L'Espérance peut être com­ — Avec un pinceau, mais trempé dans de la cire jaune
parée à l’œèf. L'Espérance, en effet, n'est pas encore par­ liquide. On fait alors bouillir l’œuf dans de l'eau coloriée,
venue au but ; de même l’œuf est quelque chose, mais il puis on retire la cire. Les dessins apparaissent alors en
n'est pas encore le poussin. » blanc sur fond de couleurs.
Cette image, certainement que les gens du peuple la C’est la fabrication de ces humbles trésors que nous vous
firent également sans avoir lu saint Augustin. De plus, ce montrons tout au long de ces photos.
symbole de vie, dans leur esprit, prenait toute sa signifi­ H. S.