Page 21 - Coeurs Vaillants Num 14
P. 21

tournée de récitals dans toute l’Amérique
 A PARIS AVE( JOSELITO                    du Sud. Lors de la première, c’était en­
                                          core sous le régime du président Batista.
                                          La seconde... juste au moment où ça se
                                          mit à aller mal : les « Barbudos » de Fi­
 Un reportage exclusif de Jean-Pierre BOUSQUET, Jacques DEBAUSSART   del Castro se battaient avec les troupes
                                          gouvernementales dans les rues de La
 et Bertrand PEYREGNE                     Havane. Nous sommes restés quinze
                                          jours, bloqués dans l’hôtel. A la fin, il
 « Joselito est à Paris. » Cette nouvelle lit très vite le tour des   n’y avait plus grand-chose à manger...
 salles de rédaction. Partout, on décida de faire l’impossible pour   Les auto-mitrailleuses, des fois, s’amu­
 effectuer un reportage sur Ile jeune chanteur espagnol que   saient à pulvériser les vitres de l’hôtel.
 s’arrachent les salles de spectacle dans une bonne moitié du   Alors, tout le monde plongeait sous les
 monde. Mais la consigne étaiijfor nielle : Pas de journalistes. « Il   fables...
 vient pour travailler, compretifz bien, avait-on expliqué dans une   Joselito, en ce temps-là, était encore un
 conférence de presse peu avarij. son arrivée. La majeure partie du   bien jeune garçon. 11 n'a pas tellement
 temps, il travaillera au studii, enregistrant les chansons de son   compris combien tout cela était grave.
 nouveau film. Mi papa, mi qljjallo y yo. .Vous allons organiser   Et il semble en garder un excellent sou­
 une réception pour la pressJfun soir. En dehors de cela, non,   venir !
 hélas, il ne sera pas possible, de vous faire rencontrer Joselito. »
 Au dernier moment, la réception offerte à la presse fut annulée
 faute de temps. Un de nos confrères parvint tout juste à inter­  Une très jolie voix grave
 viewer Joselito quelques minutes à son hôtel... Aussi sommes-nous   maintenant
 particulièrement heureux de*ous présenter, en exclusivité, ce re­
 "Qué liempo mas malo en Paris!”
 portage : seuls de toute la presse française, nos reporters ont   Dehors, la pluie continue île tomber.
 « Qu'il fait mauvais à Paris ! », dit en
 riant Joselito, abrité sous le parapluie   passé avec Joselito. en amis, une grande partie de son séjour.  - Tu n'as pas de chance, José, pour
 de l'un de nos reporters, J.-P. Bousquet.  ton premier séjour a Paris !
                                            — Ce n’est pas le premier. J’y suis
                                          venu déjà une fois, il y a plus de sept
                                          ans. Je n’avais pas encore vraiment chanté
 | L est plus de trois heures de l’après-   pétant des dizaines de fois, jusqu’à ce   sympathique que vous avez vu sur   grandes vedettes... L’autre envisage une
 midi. Depuis bien longtemps, dans le   qu’elles soient presque parfaites, les chan­  l’écran, dans les Deux gamins ou Le Pe- |   tournée au Japon. Résigné, l'imprésario   pour un public. Luis Mariano, qui m’avait
 salon de ce grand hôtel de Paris, avec   sons — en français, en italien, en espa­  lit Colonel. On nous avait dit qu’il « ne. t   parle affaires et José sourit (il faut tou­  écouté en Espagne, m’a fait passer à la
                                          télévision de Paris.
 l’impresario, nous parlons. D'un peu de   gnol — de son nouveau film.  pouvait pas sentir les journalistes. » Cela |   jours sourire, dans ce métier. Sinon, c'est
 tout, car il faut tuer le temps : de la   aussi, dès le premier abord, nous ne pou- I   la catastrophe !)/en essayant de calmer sa   — Quel temps faisait-il ?
 France et de l’Espagne, de notre métier,   vions plus le croire. Il possède l’art de T   faim.  Muy malo ! (Très mauvais). On m’a
 de nos appareils... Et bien sûr, de celui   Une tournée en France   vous faire comprendre, en deux mots et I   Enfin, nous sommes au « Cordoba »,   emmené en voiture sur la Côte d’Azur :
 'pour lequel nous sommes là, un garçon   deux sourires, que l’on est entre copains... |  un restaurant espagnol qui vient de s’ou­  Nice, Cannes, Antibes... Eh bien, il y avait
 dont les yeux très vifs sous des cheveux  à la fin de l’année  vrir en plein cœur de Paris.  tellement de glace sur les vitres qu'il a
 noirs et la « voix d’or » inoubliable ont   -alla s'arrêter souvent et demander de
 — Un tournant de sa carrière, ce film !   - Joselito, tu es parti chanter dans
 presque fait le tour du monde. Nous   nous dit M. Ballesteros (qui est à la fois   J’étais à Cuba pendant  un grand nombre de pays. De tous, lequel   l’eau chaude dans les maisons !
 attendons qu’il descende, pour l’emmener   — Dis donc... Je change tout à fait de
 son tuteur et son imprésario : c’est lui qui   t’a laissé le meilleur souvenir ?  Bonjour aux amis de « J 2 »,
 déjeuner. Dans une vaste chambre domi­  « découvrit » un jour, dans une ker­  la révolution des " Barbudos ”  sujet : Dans ton prochain film, tu chantes   avec toute l'affection de Joselito.
 nant Paris, cinq étages plus haut, Joselito   — C’est dur de répondre... Pour y vi­  en plusieurs langues... Ce n'est pas trop
 messe d'un bourg espagnol, un petit gar­  vre, je préfère l’Espagne, mon pays, ou
 est encore endormi...  Nous n'irons pas déjeuner tout de   difficile ?
 çon de sept ans qui chantait merveilleuse­  suite : deux personnages sur la cinquan­  le Mexique. Sur le plan artistique, c’est   — En italien, ça va. Mais en français...   de disques... Il te reste du temps pour étu­
 La nuit dernière, jusqu’à plus de trois   ment bien. 11 l’accueillit alors chez lui et   l’Amérique du Nord. Et, pour l'accueil,   dier un peu comme les autres gars de ton
 heures du matin, il a travaillé dur dans   en fit une étoile...).  taine, bien habillés et très sûrs d’eux, sont   l'Amérique du Sud : Argentine, Chili, Bré­  C'est bien plus difficile que de parler la   âge ?
                                          langue. Au début, ça me troublé la voix,
 l’auditorium des studios de Boulogne, ré­  —■ Pour la première fois, il s’agit   entrés. L'un d’eux représente un produc­  sil, et Cuba, surtout.  il faut vraiment se donner du mal...  — Oui, mais ça ne 'peut pas être régu­
 teur de cinéma américain : il voudrait
 d’une coproduction avec la France, l’un  engager Joselito pour le tournage d’un   Le visage de José s'éclaire.  - Récapitulons : des tournées à   lier comme eux, bien sûr. J’ai un profes­
 des pays ou Joselito était peu connu en­  film avec Anthony Quinn et une pléiade de   A Cuba, j’y suis allé deux fois, en   l’étranger, des films, des enregistrements  seur particulier. J’en suis à peu près au
 core, si l'on compare à sa popularité en                                       niveau du BAC.
 Espagne, en Israël, ou en Amérique du                                            — Tu as aussi un peu le temps de
 Sud, par exemple... Jusqu’alors, faute de                                      t’amuser ?
 temps, nous n'avions pas pu nous occuper                                        — Oui, quand même. J’aime le billard,
 beaucoup de votre pays. Joselito revien­                                       l’équitation, la chasse. Et puis, surtout,
 dra à Paris, peut-être en juin prochain,                                       j’ai une petite moto... (regard vers M. Bal­
 pour présenter ce nouveau film dès sa                                          lesteros)... mais on n’aime pas que j’en
 sortie. Et, ensuite, à la fin de l’année,                                      fasse !
 nous envisageons une tournée dans les                                            Une question nous brûlait les lèvres :
 grandes villes de France : Paris, Lyon,                                        Sa voix ? Nous savions qu’elle avait mué.
 Bordeaux, etc.                                                                 Comment la « nouvelle voix » est-elle
 Là-dessus, Joselito arrive, les yeux en­                                       donc ? On hésite toujours avant de poser
 core noyés de sommeil. Nous avions lu                                          des questions comme celle-là...
 et entendu bien des légendes fantaisistes                                       C’est le soir même que nous avons eu
 à son sujet : qu’il avait beaucoup changé,                                     la réponse. Par autorisation spéciale,
 par exemple, depuis ses derniers films,                                        nous avons pu pénétrer dans l’auditorium
 qu’il était méconnaissable... Eh bien, ras­                                    des Studios de Boulogne. Nous le vîmes
 surez-vous : nous serrant la main, c’est à                                     chanter, dix, vingt, trente fois la même
 peu de choses près le Joselito au sourire                                      chanson. Dans les hauts-parleurs de
                                                                                l’auditorium, c’est un voix nouvelle, que
                                                                                nous avons entendue. La voix de cristal
 Cette photo exclusive o été prise dans                                         du temps de « L’enfant à la voix d’or »
 Joselito examine en connaisseur l'un des   les studios de Boulogne, pendant que   s'est envolée. .Mais celle qui la remplace,
 appareils de nos reporters. Lui-même pos­  Joselito enregistrait les chansons de son   plus grave, plus forte, plus « travaillée »,
 sède un « Rolleiflex » et c'est un passionné   prochain film.
 de photographie en couleurs...                                                 nous a semblé encore plus jolie.
   16   17   18   19   20   21   22   23   24   25   26