Page 20 - Coeurs Vaillants Num 14
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tournée de récitals dans toute l’Amérique
                                                                                             A PARIS AVE( JOSELITO                                               du Sud. Lors de la première, c’était en­
                                                                                                                                                                 core sous le régime du président Batista.
                                                                                                                                                                 La seconde... juste au moment où ça se
                                                                                                                                                                 mit à aller mal : les « Barbudos » de Fi­
                                                                                             Un reportage exclusif de Jean-Pierre BOUSQUET, Jacques DEBAUSSART   del Castro se battaient avec les troupes
                                                                                                                                                                 gouvernementales dans les rues de La
                                                                                                                 et Bertrand PEYREGNE                            Havane. Nous sommes restés quinze
                                                                                                                                                                 jours, bloqués dans l’hôtel. A la fin, il
                                                                                               « Joselito est à Paris. » Cette nouvelle lit très vite le tour des   n’y avait plus grand-chose à manger...
                                                                                             salles de rédaction. Partout, on décida de faire l’impossible pour   Les auto-mitrailleuses, des fois, s’amu­
                                                                                             effectuer un reportage sur Ile jeune chanteur espagnol que          saient à pulvériser les vitres de l’hôtel.
                                                                                             s’arrachent les salles de spectacle dans une bonne moitié du        Alors, tout le monde plongeait sous les
                                                                                             monde. Mais la consigne étaiijfor nielle : Pas de journalistes. « Il   fables...
                                                                                             vient pour travailler, compretifz bien, avait-on expliqué dans une    Joselito, en ce temps-là, était encore un
                                                                                             conférence de presse peu avarij. son arrivée. La majeure partie du   bien jeune garçon. 11 n'a pas tellement
                                                                                             temps, il travaillera au studii, enregistrant les chansons de son   compris combien tout cela était grave.
                                                                                             nouveau film. Mi papa, mi qljjallo y yo. .Vous allons organiser     Et il semble en garder un excellent sou­
                                                                                             une réception pour la pressJfun soir. En dehors de cela, non,       venir !
                                                                                             hélas, il ne sera pas possible, de vous faire rencontrer Joselito. »
                                                                                               Au dernier moment, la réception offerte à la presse fut annulée
                                                                                             faute de temps. Un de nos confrères parvint tout juste à inter­        Une très jolie voix grave
                                                                                             viewer Joselito quelques minutes à son hôtel... Aussi sommes-nous              maintenant
                                                                                             particulièrement heureux de*ous présenter, en exclusivité, ce re­
                                                       "Qué liempo mas malo en Paris!”
                                                                                             portage : seuls de toute la presse française, nos reporters ont       Dehors, la pluie continue île tomber.
                                                       « Qu'il fait mauvais à Paris ! », dit en
                                                       riant Joselito, abrité sous le parapluie   passé avec Joselito. en amis, une grande partie de son séjour.    - Tu n'as pas de chance, José, pour
                                                       de l'un de nos reporters, J.-P. Bousquet.                                                                 ton premier séjour a Paris !
                                                                                                                                                                    — Ce n’est pas le premier. J’y suis
                                                                                                                                                                 venu déjà une fois, il y a plus de sept
                                                                                                                                                                 ans. Je n’avais pas encore vraiment chanté
         | L est plus de trois heures de l’après-   pétant des dizaines de fois, jusqu’à ce   sympathique que vous avez vu sur   grandes vedettes... L’autre envisage une
            midi. Depuis bien longtemps, dans le   qu’elles soient presque parfaites, les chan­  l’écran, dans les Deux gamins ou Le Pe- |   tournée au Japon. Résigné, l'imprésario   pour un public. Luis Mariano, qui m’avait
         salon de ce grand hôtel de Paris, avec   sons — en français, en italien, en espa­  lit Colonel. On nous avait dit qu’il « ne. t   parle affaires et José sourit (il faut tou­  écouté en Espagne, m’a fait passer à la
                                                                                                                                                                 télévision de Paris.
         l’impresario, nous parlons. D'un peu de   gnol — de son nouveau film.       pouvait pas sentir les journalistes. » Cela |   jours sourire, dans ce métier. Sinon, c'est
         tout, car il faut tuer le temps : de la                                     aussi, dès le premier abord, nous ne pou- I   la catastrophe !)/en essayant de calmer sa   — Quel temps faisait-il ?
         France et de l’Espagne, de notre métier,                                    vions plus le croire. Il possède l’art de T   faim.                              Muy malo ! (Très mauvais). On m’a
         de nos appareils... Et bien sûr, de celui   Une tournée en France           vous faire comprendre, en deux mots et I   Enfin, nous sommes au « Cordoba »,   emmené en voiture sur la Côte d’Azur :
         'pour lequel nous sommes là, un garçon                                      deux sourires, que l’on est entre copains... |  un restaurant espagnol qui vient de s’ou­  Nice, Cannes, Antibes... Eh bien, il y avait
         dont les yeux très vifs sous des cheveux    à la fin de l’année                                                   vrir en plein cœur de Paris.          tellement de glace sur les vitres qu'il a
         noirs et la « voix d’or » inoubliable ont                                                                                                               -alla s'arrêter souvent et demander de
                                                 — Un tournant de sa carrière, ce film !                                      - Joselito, tu es parti chanter dans
         presque fait le tour du monde. Nous   nous dit M. Ballesteros (qui est à la fois   J’étais à Cuba pendant         un grand nombre de pays. De tous, lequel   l’eau chaude dans les maisons !
         attendons qu’il descende, pour l’emmener                                                                                                                  — Dis donc... Je change tout à fait de
                                               son tuteur et son imprésario : c’est lui qui                                t’a laissé le meilleur souvenir ?                                           Bonjour aux amis de « J 2 »,
         déjeuner. Dans une vaste chambre domi­  « découvrit » un jour, dans une ker­  la révolution des " Barbudos ”                                            sujet : Dans ton prochain film, tu chantes   avec toute l'affection de Joselito.
         nant Paris, cinq étages plus haut, Joselito                                                                          — C’est dur de répondre... Pour y vi­  en plusieurs langues... Ce n'est pas trop
                                               messe d'un bourg espagnol, un petit gar­                                    vre, je préfère l’Espagne, mon pays, ou
         est encore endormi...                                                         Nous n'irons pas déjeuner tout de                                         difficile ?
                                               çon de sept ans qui chantait merveilleuse­  suite : deux personnages sur la cinquan­  le Mexique. Sur le plan artistique, c’est   — En italien, ça va. Mais en français...   de disques... Il te reste du temps pour étu­
           La nuit dernière, jusqu’à plus de trois   ment bien. 11 l’accueillit alors chez lui et                          l’Amérique du Nord. Et, pour l'accueil,                                     dier un peu comme les autres gars de ton
         heures du matin, il a travaillé dur dans   en fit une étoile...).           taine, bien habillés et très sûrs d’eux, sont   l'Amérique du Sud : Argentine, Chili, Bré­  C'est bien plus difficile que de parler la   âge ?
                                                                                                                                                                 langue. Au début, ça me troublé la voix,
         l’auditorium des studios de Boulogne, ré­  —■ Pour la première fois, il s’agit   entrés. L'un d’eux représente un produc­  sil, et Cuba, surtout.       il faut vraiment se donner du mal...    — Oui, mais ça ne 'peut pas être régu­
                                                                                     teur de cinéma américain : il voudrait
                                               d’une coproduction avec la France, l’un  engager Joselito pour le tournage d’un   Le visage de José s'éclaire.       - Récapitulons : des tournées à    lier comme eux, bien sûr. J’ai un profes­
                                               des pays ou Joselito était peu connu en­  film avec Anthony Quinn et une pléiade de   A Cuba, j’y suis allé deux fois, en   l’étranger, des films, des enregistrements  seur particulier. J’en suis à peu près au
                                               core, si l'on compare à sa popularité en                                                                                                                niveau du BAC.
                                               Espagne, en Israël, ou en Amérique du                                                                                                                     — Tu as aussi un peu le temps de
                                               Sud, par exemple... Jusqu’alors, faute de                                                                                                               t’amuser ?
                                               temps, nous n'avions pas pu nous occuper                                                                                                                  — Oui, quand même. J’aime le billard,
                                               beaucoup de votre pays. Joselito revien­                                                                                                                l’équitation, la chasse. Et puis, surtout,
                                               dra à Paris, peut-être en juin prochain,                                                                                                                j’ai une petite moto... (regard vers M. Bal­
                                               pour présenter ce nouveau film dès sa                                                                                                                   lesteros)... mais on n’aime pas que j’en
                                               sortie. Et, ensuite, à la fin de l’année,                                                                                                               fasse !
                                               nous envisageons une tournée dans les                                                                                                                     Une question nous brûlait les lèvres :
                                               grandes villes de France : Paris, Lyon,                                                                                                                 Sa voix ? Nous savions qu’elle avait mué.
                                               Bordeaux, etc.                                                                                                                                          Comment la « nouvelle voix » est-elle
                                                 Là-dessus, Joselito arrive, les yeux en­                                                                                                              donc ? On hésite toujours avant de poser
                                               core noyés de sommeil. Nous avions lu                                                                                                                   des questions comme celle-là...
                                               et entendu bien des légendes fantaisistes                                                                                                                 C’est le soir même que nous avons eu
                                               à son sujet : qu’il avait beaucoup changé,                                                                                                              la réponse. Par autorisation spéciale,
                                               par exemple, depuis ses derniers films,                                                                                                                 nous avons pu pénétrer dans l’auditorium
                                               qu’il était méconnaissable... Eh bien, ras­                                                                                                             des Studios de Boulogne. Nous le vîmes
                                               surez-vous : nous serrant la main, c’est à                                                                                                              chanter, dix, vingt, trente fois la même
                                               peu de choses près le Joselito au sourire                                                                                                               chanson. Dans les hauts-parleurs de
                                                                                                                                                                                                       l’auditorium, c’est un voix nouvelle, que
                                                                                                                                                                                                       nous avons entendue. La voix de cristal
                                                                                        Cette photo exclusive o été prise dans                                                                         du temps de « L’enfant à la voix d’or »
                                            Joselito examine en connaisseur l'un des    les studios de Boulogne, pendant que                                                                           s'est envolée. .Mais celle qui la remplace,
                                            appareils de nos reporters. Lui-même pos­   Joselito enregistrait les chansons de son                                                                      plus grave, plus forte, plus « travaillée »,
                                            sède un « Rolleiflex » et c'est un passionné   prochain film.
                                            de photographie en couleurs...                                                                                                                             nous a semblé encore plus jolie.
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