Page 10 - Coeurs Vaillants Num 14
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OUTES tisseuses, toutes bro
deuses, tous orfèvres, tous charpentiers, tous drapiers entre
Paris, Guines et Ardres-en-Artois travaillaient à l’élaboration
du Camp du Drap d’Or. Notre bon roi François avait décidé de
rencontrer Henry d’Angleterre qui hésitait entre une alliance
avec la France et avec Charles Quint. Afin de le convaincre et
de lui prouver que la France était riche, François, lui, n’avait
pas hésité devant la dépense. Dans la plaine entre Guines et
Ardres devaient se dresser trois cents tentes en drap d’or et
d’argent.
Ayant entendu parler de cela, Henry VIII eut un ricane
ment bonhomme et dit : « Yes... That’s very bluff. Je ne crois
pas à le authenticité de tout ce or. Mon gentil cousin veut
mettre poudre dans les yeux à moi. Laissons-le faire. Il faut
pardonner à lui petite mômerie ; il fait patauger textiles dans
vulgaire peinture jaune pour faire croire à moi le préciosité de
l’or. » Et son ricanement se termina par un sourire fin et
indulgent. Pourtant, les ministres anglais qui connaissaient la
susceptibilité de leur roi se dirent que, si les draps du roi de
France étaient véritablement en or, Henry VIII (qui n’avait
fait aucun préparatif de magnificence) en perdrait l’appétit, —
c’est-à-dire qu’il ne mangerait plus qu’un poulet par repas au
lieu de trois.
LS allèrent donc trouver le roi
à son petit breakfast et, respectueusement, lui firent admettre
qu’il serait prudent de se renseigner. « Aoh, dit Henry qui
grignotait une carcasse de dinde, vous croyez ? » Puis, ayant
réfléchi : « AU right, vous êtes very beaucoup avisés. Il faut
demander à quelque paysan qui passe no aperçu un inteUigent
service. »
« InteUigent service », dans le naïf et pittoresque vieü
anglais, signifiait tout simplement : service de renseignement
secret ; comme il fallait, pour l’accomplir, un minimum
d’inteUigence, la locution avait été ainsi formée sans autre
effort d’imagination.
On se mit donc en quête d’un homme qui devait réunir trois
conditions : être honnête, savoir parler français sans accent et
passer inaperçu. On le trouva en la personne de John LeweU
qui était né et qui avait vécu jusqu’à l’âge de vingt ans en
France (son père ayant été attaché au service d’Anne de Bre
tagne, puis de Marie d’Angleterre, toutes deux reines de
France). John LeweU eut pour mission de prendre et d’amener
au roi d’Angleterre un morceau des draps que préparaient les
Français. Si Henry voyait que cette pièce était vraiment tissée
de fils d’or, il aurait le temps de préparer une réplique afin de
n’ être point en reste — par exemple des litières en or massif,
des palefrois recouverts de pierres précieuses. Si ce n’était
qu’une imitation, on ne se donnerait pas la peine de tant de
dépenses et l’on traiterait le Français avec un gentU sourire.
Dans les deux cas, les échanges diplomatiques devaient se
faire dans un climat de confiance et de sécurité et se terminer
par une aUiance Henry-François contre Charles.
R, voici ce qui se passa :
John LeweU se fit engager dans les ateliers — innom
brables — qui travaülaient aux draps d’or. Une nuit, U réussit