Page 5 - Coeurs Vaillants Num 08
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westerns. Seules les brebis peuvent ici trouver leur nourriture.   le « petit-lait » en utilisant un « brise-caillé » qui ressemble
     De ces seules brebis, les hommes peuvent trouver la leur. Or   beaucoup à un bâton de ski. Avant que le caillé n’ait refroidi,
     voici qu’un jour, il y a de cela bien des siècles, un pan du   je le place dans des moules.
     Cambalou s'effondre. La faille que cela provoque laisse passer   J’ensemence cette pâte de Penecillium Glaucum, une sorte
     dans la montagne une espèce de courant d’air qui va permettre   de champignons microscopiques qui donneront les marbrures
     aux caves naturelles de laisser le fromage se fermenter et ainsi   vertes au fromage. Il s’agit ensuite de renverser un moule sur
     lui donner tout ce qui fait sa richesse.                 l'autre pour obtenir la forme. Mon travail s'arrête là.
                                                                Les fromages sont ensuite transportés aux caves. Là, tra­
                 CHARLEMAGNE, UN JOUR...                      vaille le cousin Ernest. Son métier consiste à saler les formes
                                                              six jours durant. Ce travail est très délicat, car il faut frotter les
       Ainsi que le rapporte Pline le jeune, notre fromage « emporte   formes sur toute la surface afin que le sel pénètre bien. On
     le prix » dans la Rome au faîte de sa grandeur... Voici que   brosse pour ôter l'excédent de sel, puis on pique avec des
     quelques siècles plus tard Charlemagne vint à passer dans la   aiguilles pour que la fermentation se fasse bien.
     région. Un samedi, jour d'abstinence, il est l'hôte d’un évêque.   Le roquefort est pratiquement prêt. Il ne reste qu'à le laisser
     Celui-ci ne sait que lui offrir en gurse de repas. Il lui tend du   reposer dans les caves pendant trois mois environ. Bien
     fromage de brebis. Charlemagne s’en coupe un morceau ;   entendu, on le surveille. C'est le travail de l’oncle Jean et de
     dans le blanc de la pâte, il trouve une marbrure bleue. Il   Joseph, ton parrain.
     s'apprête à l’enlever de son couteau... L'évêque s’avance :   Ici, le paysage n'est plus celui que tu as connu l'été dernier.
     « Seigneur, permets que je te dise : ce que tu enlèves, c'est   Il fait froid, le vent souffle, les brebis ne sortent plus de la
     le meilleur. » Charlemagne met le bleu sur son pain... « Mais,
                                                              bergerie. Mais le printemps approche, bientôt les troupeaux
     évêque, tu dis vrai ! » Et il se fit chaque an envoyer de ce déli­  repeupleront les coteaux et ils se gaveront de cette herbe
     cieux fromage de brebis.
                                                              unique qui sent le buis.
                                                               A bientôt, cher neveu.
               LES COUSINS DE ROQUEFORT                                                         Antoine LEVÉZOU,
       Ici, petit, tu dois tout de même le savoir, toute la famille   *                     p. c. c. Jean LERFUS.
     travaille pour les « caves ». Ton oncle, celui-là même qui
     t'écrit, est laitier. Tous les matins, je reçois le lait que   P. S. —Mon fils Marcel, qui est à New-York dans les bureaux
     m’apportent les fermiers. Il en arrive aussi de Corse et des   de la société, se porte très bien, nous avons d'excellentes
     Pyrénées. Après l'avoir mesuré et filtré, je le fais tiédir sur le   nouvelles.
     feu. Pendant deux heures, il repose en se caillant. J'égoutte        Photos et documentation Marcel CHABRAN.
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