Page 19 - Coeurs Vaillants Num 08
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TRISTI BILAN OMS LES CAMPA6HES





 en arracher quelques-uns, pour les faire   — Quand pourrez-vous en récolter ?
 dégeler plus vite et voir s'ils sont totale­  — A la fin de mars, si le temps devient
 ment perdus.  beau.
 — Et les choux de Bruxelles ?  — A part ces pissenlits, quand, mainte­
 Il nous emmène un peu plus loin. 30 m   nant, pourrez-vous récolter quelque chose
 en silence. Il y en a ici tout un champ.   qui permette de gagner un peu d’argent ?
 L’homme se penche vers l’un de ces pieds   — Sz le dégel est bon — qu’il se fait
 dont les feuilles tombent vers le sol,
 comme fanées. Il cueille, le long de la   rapidement sans apporter trop d’humidité
   — nous allons vite semer des salades.
 tige centrale, une petite pomme. Elle   Elles donneront en juin. Normalement,
 porte, sur toute la surface, de grosses
 taches couleur de rouille.  ces jours-ci, nous devrions mettre en
   place une première série de plants de lai­
 — Regardez : c'est invendable. (Il
 ouvre la pomme.) Et, à l'intérieur, le gel   tues, obtenus par un semis sous châssis.
   Mais nous n’avons pas pu l’effectuer : la
 aussi a passé. Dès le vrai dégel, tout cela
 pourrira.  terre était gelée comme du roc.
 — Il vous restait d'autres cultures en   — Pendant ces quarante-sept jours,
 terre ?  qu’est-ce que vous avez fait ?
 — De la « cornette » (une variété de   — Rien pour ainsi dire. Cassé du bois,
 chicorée scarole). Il rien reste rien. Un   bricolé. Et, de temps en temps, on sortait
 peu de pissenlits, mais ils sont gelés aussi.   le cheval et on l’emmenait faire un tour,
 Eux repousseront, mais il faut attendre.  pour lui dégourdir les jambes...


 Il y aura trop d'orge »t on la vendra mal...
 Nous avons quitté Montlhéry. Beau­  y en aura trop et qu’on la vendra mal...
 SUITE
 coup plus loin, c’est le domaine de la   Il reprend vite la fourche. Plus un
 semis frais levés de céréales, légumes en   tendres qui doivent donner leur récolte   grande culture et de l’élevage. Derrière   instant à perdre. Car, en plus des dégâts
 plein rapport, jeunes épinards encore  au premier printemps.  une petite exploitation, à l’entrée du vil­  du gel, tout est en retard. Quarante-sept
 lage, un agriculteur et son fils chargent   jours de temps perdu, exactement...
 du fumier sur une remorque. Car on pense
 On ne sortait le cheval que pour lui dégourdir les jambes...  déjà aux prochaines emblavures.
 — Le blé que vous avez semé a-t-il ré­  GRAVE ALERTE POUR LE BLÉ
 Montlhéry. C’est le fief de la « grande   lée par la morsure du froid. Dans les   sisté ?
 culture maraîchère », où les champs de   champs d’épinards, on ne distingue les   — On ne peut pas savoir encore. Il y   Dans ce silo d'une coopérative, le
 légumes s’étendent à perte de vue. A cette   rangées que par un reste de feuilles dessé­  aura beaucoup de pertes, c’est sûr. On   blé de 1962 coule encore en flots
 époque, d’ordinaire, on y cueille les choux   chées qui y subsiste...  parle, pour la France, de 800000 hec­  dorés. En sera-t-il de même l'an pro­
       chain ? Plus de la moitié des blés
 de Bruxelles et les'épinards, on arrache   'Au milieu de cette désolation, un   tares détruits ! Nous les remplacerons   d'hiver, estime-t-on, pourrit en ce
 les poireaux d’hiver, on récolte les pis­  homme. 11 est commis dans une petite ex­  par du blé de printemps, mais il est beau­  moment dans les champs, des suites
 senlits dont le cœur s’est blanchi, recou­  ploitation, — « 40 arpents », nous a-t-il   coup moins productif. De moins bonne   du gel prolongé.
 vert par un léger sillon de terre...  dit — à la Ville-du-Bois, tout près de là.  qualité, aussi. Alors, pas mal de fermiers
 La campagne entourant Montlhéry fait   — Ces poireaux, vous pensez les sau­  préféreront semer de l'orge. Si bien qu’il .
 peine à voir aujourd’hui. Les premières   ver ?
 gouttes du dégel recouvrent des poireaux   Il se croise les bras, pousse un soupir.
 lamentablement couchés sur le sol, avec   — Je ne sais pas. Ils me semblent « en
 l’extrémité des feuilles littéralement gril­  avoir pris un bon coup ». Je suis venu   EnAvignon :  DÉGÂTS, AUSSI, AU PAYS DU SOLEIL...

                                     (Marcel Chabran)
                                       Depuis Noël 1962, il geloit presque sans   plants de melons, de tomates, de concombres,
 < Dans le petit sillon que vous apercevez là,   discontinuer sur toute la Côte d'Azur.
 il y avait de jeunes plants d’épinards destinés   La plupart des entreprises travaillant en   sont encore sous les hangars...
                                                                               Peu de vignes sont taillées. Tous les tra­
 à la récolte de printemps... », expliquent des  plein air avaient dû arrêter leurs travaux.   vaux de la campagne ont quarante jours de
                                     En Avignon, c'est par camions entiers que   retard.
                                     l'on chargeait la neige encombrant les rues   Même les grands élevages de moutons
                                     pour la décharger dans le Rhône.        ont été perturbés par le froid. Dès la fin
                                       Mais c'est l'agriculture qui restera la plus   de l'hiver, ils trouvent normalement une
                                     grande victime de cette vague de froid.  partie de leur nourriture à l'extérieur. Cette
                                       Si la vigne, les arbres fruitiers et, semble-   année, des tonnes de foin supplémentaires
                                     t-il, les oliviers ne paraissent guère avoir   sont nécessaires, dans chaque mas, pour
                                     souffert, par contre, les dégâts sur les lé­  subvenir à leurs besoins.
                                     gumes sont considérables. Les choux-fleurs,   La situation est grave au pays du soleil...
                                     salades, persils, céleris, épinards qui arri­
                                     vaient ou moment de la pleine récolte, ont
                                     été très gravement touchés.
                                       Les cultures florales de la côte méditer­  Le célèbre moulin d'Alphonse Daudet, à
                                     ranéenne — anémones, renoncules, violettes    Fontvielle, n'a pas été épargné...
                                     — sont détruites à 80 %. Par manque de
                                     carburant, le chauffage des serres a par­
                                     fois dû être stoppé en plein gel, anéantis­
                                     sant des récoltes entières. Pour la première
                                     fois depuis trente-cinq ans, au début de
                                     février, la criée aux fleurs d'Antibes a fermé
                                     ses portes, foute de marchandises. Les châs­
                                     sis vitrés qui servent en année normale à
                                     protéger les cultures délicates, et qui, à
                                     cette époque, abritent déjà des jeunes
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