Page 18 - Coeurs Vaillants Num 08
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TRISTI BILAN OMS LES CAMPA6HES





                                                                                     en arracher quelques-uns, pour les faire   — Quand pourrez-vous en récolter ?
                                                                                     dégeler plus vite et voir s'ils sont totale­  — A la fin de mars, si le temps devient
                                                                                     ment perdus.                         beau.
                                                                                      — Et les choux de Bruxelles ?         — A part ces pissenlits, quand, mainte­
                                                                                      Il nous emmène un peu plus loin. 30 m   nant, pourrez-vous récolter quelque chose
                                                                                     en silence. Il y en a ici tout un champ.   qui permette de gagner un peu d’argent ?
                                                                                     L’homme se penche vers l’un de ces pieds   — Sz le dégel est bon — qu’il se fait
                                                                                     dont les feuilles tombent vers le sol,
                                                                                     comme fanées. Il cueille, le long de la   rapidement sans apporter trop d’humidité
                                                                                                                          — nous allons vite semer des salades.
                                                                                     tige centrale, une petite pomme. Elle   Elles donneront en juin. Normalement,
                                                                                     porte, sur toute la surface, de grosses
                                                                                                                          ces jours-ci, nous devrions mettre en
                                                                                     taches couleur de rouille.           place une première série de plants de lai­
                                                                                      — Regardez : c'est invendable. (Il
                                                                                                                          tues, obtenus par un semis sous châssis.
                                                                                     ouvre la pomme.) Et, à l'intérieur, le gel   Mais nous n’avons pas pu l’effectuer : la
                                                                                     aussi a passé. Dès le vrai dégel, tout cela
                                                                                     pourrira.                            terre était gelée comme du roc.
                                                                                      — Il vous restait d'autres cultures en   — Pendant ces quarante-sept jours,
                                                                                     terre ?                              qu’est-ce que vous avez fait ?
                                                                                      — De la « cornette » (une variété de   — Rien pour ainsi dire. Cassé du bois,
                                                                                     chicorée scarole). Il rien reste rien. Un   bricolé. Et, de temps en temps, on sortait
                                                                                     peu de pissenlits, mais ils sont gelés aussi.   le cheval et on l’emmenait faire un tour,
                                                                                     Eux repousseront, mais il faut attendre.  pour lui dégourdir les jambes...


                                                                                                Il y aura trop d'orge »t on la vendra mal...
                                                                                       Nous avons quitté Montlhéry. Beau­  y en aura trop et qu’on la vendra mal...
   SUITE
                                                                                     coup plus loin, c’est le domaine de la   Il reprend vite la fourche. Plus un
        semis frais levés de céréales, légumes en   tendres qui doivent donner leur récolte   grande culture et de l’élevage. Derrière   instant à perdre. Car, en plus des dégâts
        plein rapport, jeunes épinards encore  au premier printemps.                 une petite exploitation, à l’entrée du vil­  du gel, tout est en retard. Quarante-sept
                                                                                     lage, un agriculteur et son fils chargent   jours de temps perdu, exactement...
                                                                                     du fumier sur une remorque. Car on pense
            On ne sortait le cheval que pour lui dégourdir les jambes...             déjà aux prochaines emblavures.
                                                                                      — Le blé que vous avez semé a-t-il ré­  GRAVE ALERTE POUR LE BLÉ
          Montlhéry. C’est le fief de la « grande   lée par la morsure du froid. Dans les   sisté ?
        culture maraîchère », où les champs de   champs d’épinards, on ne distingue les   — On ne peut pas savoir encore. Il y   Dans ce silo d'une coopérative, le
        légumes s’étendent à perte de vue. A cette   rangées que par un reste de feuilles dessé­  aura beaucoup de pertes, c’est sûr. On   blé de 1962 coule encore en flots
        époque, d’ordinaire, on y cueille les choux   chées qui y subsiste...        parle, pour la France, de 800000 hec­    dorés. En sera-t-il de même l'an pro­
        de Bruxelles et les'épinards, on arrache   'Au milieu de cette désolation, un   tares détruits ! Nous les remplacerons   chain ? Plus de la moitié des blés
                                                                                                                              d'hiver, estime-t-on, pourrit en ce
        les poireaux d’hiver, on récolte les pis­  homme. 11 est commis dans une petite ex­  par du blé de printemps, mais il est beau­  moment dans les champs, des suites
        senlits dont le cœur s’est blanchi, recou­  ploitation, — « 40 arpents », nous a-t-il   coup moins productif. De moins bonne   du gel prolongé.
        vert par un léger sillon de terre...   dit — à la Ville-du-Bois, tout près de là.  qualité, aussi. Alors, pas mal de fermiers
          La campagne entourant Montlhéry fait   — Ces poireaux, vous pensez les sau­  préféreront semer de l'orge. Si bien qu’il .
        peine à voir aujourd’hui. Les premières   ver ?
        gouttes du dégel recouvrent des poireaux   Il se croise les bras, pousse un soupir.
        lamentablement couchés sur le sol, avec   — Je ne sais pas. Ils me semblent « en
        l’extrémité des feuilles littéralement gril­  avoir pris un bon coup ». Je suis venu                                                                 EnAvignon :        DÉGÂTS, AUSSI, AU PAYS DU SOLEIL...

                                                                                                                                                             (Marcel Chabran)
                                                                                                                                                              Depuis Noël 1962, il geloit presque sans   plants de melons, de tomates, de concombres,
          < Dans le petit sillon que vous apercevez là,                                                                                                      discontinuer sur toute la Côte d'Azur.
        il y avait de jeunes plants d’épinards destinés                                                                                                        La plupart des entreprises travaillant en   sont encore sous les hangars...
                                                                                                                                                                                                      Peu de vignes sont taillées. Tous les tra­
        à la récolte de printemps... », expliquent des                                                                                                       plein air avaient dû arrêter leurs travaux.   vaux de la campagne ont quarante jours de
                                                                                                                                                             En Avignon, c'est par camions entiers que   retard.
                                                                                                                                                             l'on chargeait la neige encombrant les rues   Même les grands élevages de moutons
                                                                                                                                                             pour la décharger dans le Rhône.       ont été perturbés par le froid. Dès la fin
                                                                                                                                                              Mais c'est l'agriculture qui restera la plus   de l'hiver, ils trouvent normalement une
                                                                                                                                                             grande victime de cette vague de froid.  partie de leur nourriture à l'extérieur. Cette
                                                                                                                                                              Si la vigne, les arbres fruitiers et, semble-   année, des tonnes de foin supplémentaires
                                                                                                                                                             t-il, les oliviers ne paraissent guère avoir   sont nécessaires, dans chaque mas, pour
                                                                                                                                                            souffert, par contre, les dégâts sur les lé­  subvenir à leurs besoins.
                                                                                                                                                            gumes sont considérables. Les choux-fleurs,   La situation est grave au pays du soleil...
                                                                                                                                                            salades, persils, céleris, épinards qui arri­
                                                                                                                                                            vaient ou moment de la pleine récolte, ont
                                                                                                                                                            été très gravement touchés.
                                                                                                                                                              Les cultures florales de la côte méditer­  Le célèbre moulin d'Alphonse Daudet, à
                                                                                                                                                            ranéenne — anémones, renoncules, violettes    Fontvielle, n'a pas été épargné...
                                                                                                                                                            — sont détruites à 80 %. Par manque de
                                                                                                                                                            carburant, le chauffage des serres a par­
                                                                                                                                                            fois dû être stoppé en plein gel, anéantis­
                                                                                                                                                            sant des récoltes entières. Pour la première
                                                                                                                                                            fois depuis trente-cinq ans, au début de
                                                                                                                                                            février, la criée aux fleurs d'Antibes a fermé
                                                                                                                                                            ses portes, foute de marchandises. Les châs­
                                                                                                                                                            sis vitrés qui servent en année normale à
                                                                                                                                                            protéger les cultures délicates, et qui, à
                                                                                                                                                            cette époque, abritent déjà des jeunes
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