Page 158 - Histoire de France essentielle
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Lectures.               — 150 —              LA RÉVOLUTION.

               ment. On craignit qu’il ne pût être achevé le i4 juillet, jour
               irrévocablement fixé pour la cérémonie. Dans cet embarras, les districts
               invitèrent, au nom de la patrie, les bons citoyens à se joindre aux
               ouvriers. Cette invitation civique électrisa toutes les têtes ; les femmes
               partagent l’enthousiasme et le propagent : on voit des séminaristes, des
               écoliers, des chartreux vieillis dans la solitude, vider leurs cloîtres,
               courir au Champ-de-Mars, une pelle sur le dos, portant des bouton­
               nières ornées d’emblèmes patriotiques.......
                 Enfin le i4 juillet arriva. Les fédérés, rangés par département sous
               quatre-vingt-trois bannières, partent de l’emplacement de la Bastille ;
               le chemin qui conduit au Champ-de-Mars est couvert de peuple qui
               bat des mains. La pluie tombe : personne ne parait s’en apercevoir :
               la gaieté française triomphe et des mauvais chemins et de la longueur
               de la marche.....
                 Plus de trois cent mille hommes et femmes de Paris et des environs,
               rassemblés dès six heures du matin au Champ-de-Mars, assis sur des
               gradins de gazon qui formaient un cirque immense, mouillés, atten­
               daient en riant et en causant les fédérés et l’Assemblée nationale. On
               avait élevé un vaste amphithéâtre pour le roi, la famille royale, les
               ambassadeurs et les députés. Les fédérés les premiers arrivés commen­
               cent à danser des farandoles; ceux qui suivent se joignent à eux, et
               forment une ronde qui embrasse bientôt une partie du Champ-
               de-Mars.
                 Cependant l’évêque d’Autun se prépare à célébrer la messe. 11 bénit
               les quatre-vingt-trois bannières et entonne le Te Deum. Douze cents
               musiciens exécutent ce cantique. La Fayette, à la tête de l’état-major
               de la garde nationale, monte à l’autel et jure, au nom des troupes et
               des fédérés, d’être fidèle à la nation, à la loi, au roi. Une décharge de
               quarante pièces de canon annonce à la France ce serment solennel.
               Le président de l’Assemblée nationale répète le même serment. Le
               peuple et les députés y répondent par des cris de : Je le jure. Alors
               le roi se lève et prononce d’une voix forte : « Moi, roi des Français, je
               iure d'employer le pouvoir que m’a donné l’acle constitutionnel de l’Etat,
               à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée
               par moi. » La reine prend le dauphin dans ses bras, le présente au
               peuple et dit ; « Voilà mon fils ; il se réunit ainsi que moi dans les memes
               sentiments. » Ce mouvement inattendu fut payé par mille cris de :
               Vive le roi! Vive la reine! Vive le dauphin ! Les canons continuaient de
               mêler leurs sons majestueux aux sons guerriers des instruments mili­
               taires et aux acclamations du peuple ; le temps s’était éclairci, le soleil
               se montrait dans tout son éclat.
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